Preston Sturges

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Retour sur une étoile filante du cinéma américain à l´occasion de la ressortie en salle des « Voyages de Sullivan ».

Il aura fallu attendre le succès du O Brother, Where Art Thou? (2000) des frères Coen où ils revendiquaient l’influence des Voyages de Sullivan (1941) – qui était en fait plus manifeste dans Barton Fink (1991) et la condescendance de son héros pour « l’homme du peuple » – pour remettre Preston Sturges en lumière. Ce dernier fut pourtant l’un des artistes les plus célébrés de son temps même si sa trajectoire fulgurante (une dizaine de films puis le déclin et une mort prématurée) le plongea dans l’oubli en dehors des cercles cinéphiles. Sturges représente le pont idéal entre Ernst Lubitsch et Billy Wilder tout en annonçant l’émergence d’autres grands maîtres de la comédie comme Blake Edwards. Figurant parmi les scénaristes les plus en vue des années 1930 (pour Mitchell Leisen, Howard Hawks ou encore William Wyler), il révolutionna l’industrie hollywoodienne en étant le premier de sa profession à passer à la réalisation. Sturges eut en effet l’audace de proposer ses services à la Paramount pour un dollar, les réussites passées faisant accepter le deal à la firme pour ce qui serait un immense succès et installerait définitivement Sturges derrière la caméra, avec pour commencer Gouverneur malgré lui (1940).

Dès lors Sturges connaîtra une sorte d’âge d’or durant les années 1940, posant un univers singulier où la tendresse et les préoccupations sociales d’un Capra frayeront avec l’ironie d’un Lubitsch, le tout saupoudré d’une influence jusque-là inédite du splapstick et du cartoon. Les grands questionnements sociaux (Les Voyages de Sullivan, 1941 ; Héros d’occasion, 1944) côtoient ainsi le vrai mélodrame (Christmas in July, 1940 ; The Great Moment, 1944) et la pure farce avec un tel brio et une harmonie si parfaite que les sujets les plus difficiles passent les mailles du rigoureux code Hays, à l’image de Miracle au Village (1944). Sturges était également précurseur de figures et thèmes au cœur de la comédie américaine en mutation, que ce soit la confusion entre réalité et fantasme dans Infidèlement Vôtre (1948) ou justement cette irruption du cartoon dans le réel que reprendront à leur compte Billy Wilder (scénariste passé à la réalisation grâce à la jurisprudence Sturges) et Frank Tashlin dans des films comme Sept ans de réflexion (1955) ou La Blonde et moi (1957).

Bonne lecture avant un prochain Coin du cinéphile sur l’impact du home front, soit le récit du quotidien en temps de guerre dans le cinéma américain.

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