Gouverneur malgré lui (The Great McGinty, 1940)

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Sous le regard de celle qui l’aime, l’ascension et la chute d’une petite frappe devenue gouverneur.

Premier film de Preston Sturges en tant que réalisateur, Gouverneur malgré lui suit pendant 80 minutes et ce jusqu’à sa chute l’ascension d’un voyou jusqu’aux plus hautes responsabilités politiques. Ex petite frappe, Daniel McGinty (Brian Donlevy, plus cabot que jamais) devient maire puis gouverneur alors qu’il se faisait quelques années plus tôt payer pour truquer les élections des autres. Dès la première scène du film – où Daniel McGinty introduit lui même son histoire -, le regard que Preston Sturges pose sur son personnage est empreint d’ironie : McGinty, en commettant nombre de mauvais agissements, va se hisser au plus haut de l’administration américaine, et c’est au contraire une bonne action qui le fera tomber pour le renvoyer à sa condition initiale. Comme le serait le plus classique des films noirs, la ville où se déroule l’intrigue a l’architecture d’un Chicago de cinéma, les maires sont corrompus et c’est la mafia locale qui dirige l’ensemble d’une main de fer et le cigare aux lèvres. Plus encore que la charge directe envers l’administration des grandes villes américaines que mène Preston Sturges, le cinéaste concentre essentiellement son film sur les larges épaules de son personnage-titre, The Great McGinty, comme le titre original semble s’en amuser. Voleur, violent, misogyne et coureur, Preston Sturges s’applique à donner à Daniel McGinty tous les défauts pouvant faire de lui le plus remarquable des antihéros et ainsi, la parfaite illustration de la corruption politique du pays.

Pourtant, si le film de Preston Sturges est totalement inoffensif, c’est que le cinéaste ne peut se résoudre à faire de son personnage-titre un homme mauvais. Le voyou a un grand cœur et c’est bien entendu une femme qui lui en fera prendre conscience. Bien loin des promesses de départ, les scènes les plus réussies de Gouverneur malgré lui sont celles mettant en scène Catherine McGinty (Muriel Angelus), personnage le plus touchant et véritable surprise du film. Un célibataire comme Daniel McGinty n’ayant aucune chance d’être élu, la jeune femme, jusqu’ici sa secrétaire, le demande en mariage et devient alors le cœur de la deuxième partie du film. Preston Sturges nous la présente comme une femme moderne – elle élève seule ses deux enfants ; elle demande la main de son mari – et c’est elle qui fera se transformer par amour Daniel McGinty. Assez peu d’images restent après la vision de Gouverneur malgré lui si ce ne sont celles des scènes intimes jouées entre Catherine et Daniel dans leur appartement, douces et déconnectées de tout conflit extérieur. Pendant quelques minutes le film semble même prêt à s’effacer pour laisser sa place à un autre où le couple apprendrait à s’aimer et à se connaître. Pendant quelques instants, comme un enfant, la brute McGinty semble minuscule face à sa femme et Preston Sturges cesse de regarder ses personnages avec ironie afin de les laisser vivre un peu. Le revirement final, quand dans les dix dernières minutes le cinéaste fait machine arrière, n’en est que plus incompréhensible. Daniel quitte Catherine sans qu’il en soit le moins du monde affecté et c’est elle qui se jettera en pleurs sur son lit. Chacun retrouve son rôle dans une surprenante contradiction de ce qu’était le film jusqu’alors. Daniel le voyou est devenu un simple barman et la jeune femme, Catherine, est sans doute encore secrétaire. Inoffensif de par son regard sur la classe politique de son époque, Preston Sturges l’est également à travers celui qu’il porte sur sa société. Quand le film se termine tout est rentré dans l’ordre et discipliné, chacun est à sa place.

Titre original : The Great McGinty

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Durée : 83 mn


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