Le Secret de la Pyramide (Young Sherlock Holmes – Barry Levinson, 1985)

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OEuvre encore méconnue des productions Amblin, « Le Secret de la pyramide » s´affiche pourtant comme un pur spectacle spielbergien se réappropriant magistralement la mythologie issue des écrits de Conan Doyle.

Sorti sur les écrans en 1985, soit la même année que Les Goonies (Richard Donner, 1985), Le Secret de la pyramide reste le prototype du film d’aventure idéal, un spectacle pour jeune public qui malgré son échec en salles contenait en germe la recette parfaite du blockbuster qui envahira les écrans durant les années 2000, Harry Potter (2001 et 2002) en tête, avec lequel le film de Barry Levinson entretient des ressemblances troublantes, les métrages étant liés directement par la présence de Chris Colombus. Bien avant la parution du premier tome de la saga de J.K. Rowling, le futur réalisateur d’Harry Potter (alors scénariste), écrivait déjà les aventures d’un jeune garçon brun aux lunettes rondes, intégrant une grande école protocolaire de l’Angleterre victorienne. Le surdoué Holmes s’y partageant la vedette avec Dudley,  son blondinet d’ennemi, fourbe et hautain… Pourtant, point de magie dans ce Secret de la pyramide qui se propose de revisiter l’univers de Sherlock Holmes en partant de l’adolescence du personnage, d’où le titre original « Young Sherlock Holmes ». Colombus prend ainsi une liberté totale vis-à-vis des romans de Conan Doyle et réinvestit ingénieusement les éléments constitutifs du personnage et de son entourage, à savoir Watson, son copain de chambrée, et Moriarty, sa future Némésis. Avec une extrême déférence, le trio créatif (Spielberg, Levinson et Colombus) s’amuse à mettre en images l’origine de toutes les grandes caractéristiques de Holmes, de l’apprentissage douloureux du violon à l’obtention progressive de la panoplie du détective (chapeau, pipe, long manteau…). Des clins d’œil certes faciles mais bien amenés. Beaucoup plus risqué, Le Secret de la pyramide propose une origine dramatique et poignante au célibat de Holmes, et se permet même d’enrichir le personnage lors d’une incroyable séquence d’hallucination collective, où le détective croit voir son propre père, ce dernier l’accusant d’avoir révélé son adultère et détruit son couple. Bien loin d’une version light et superficielle du mythe, le métrage de Levinson propose ainsi une dramaturgie à la hauteur des personnages tout en restant dans une pure logique de divertissement tout public. Un film avant tout conçu pour les spectateurs qui, tout comme les grandes productions Amblin, parvient à offrir une narration efficace au service d’un univers totalement original et attachant.

Sorti la même année que Les Goonies et Retour vers le futur (Robert Zemeckis), Le Secret de la pyramide ne profite pas du même succès commercial d’autant qu’il apparaît en décalage avec les autres productions Amblin, davantage portées sur la science-fiction et le fantastique que le film en costumes. Pourtant, pour trouver une logique à ce virage old school, il faut sans doute chercher du côté de Spielberg qui à l’époque terminait Indiana Jones et le Temple maudit (1984), un épisode un peu clos sur lui-même mais particulièrement inspiré des serials des années 30 et de certains énormes décors exotiques des films d’aventures d’antan. Sous des allures un peu austères (cadre strict, anglais châtié…), on découvre peu à peu un hommage similaire à travers la secte de Rame Tep, qui comme celle du Temple Maudit, est adepte d’incantations, de drogues, de sacrifices humains et d’un décorum haut en couleur. Le film de Levinson se kaléidoscope ainsi au gré de ses références et nous permet de passer de l’univers british de Holmes à une mise en images délicieusement bis de la mythologie égyptienne, qui se montre extrêmement proche du projet de Spielberg avec Le Temple Maudit.

L’implication de ce dernier, accompagné à la production par le couple Marshall-Kennedy (véritables piliers de la Amblin), semble indéniable tant la construction du métrage et l’esprit général qui s’en dégage évoque tout le savoir-faire de Spielberg  et de sa société de production en matière de divertissement. Barry Levinson, futur réalisateur de Rain Man (1988)et de Sleepers (1996), s’acquitte quant à lui d’une réalisation efficace, parvenant à jouer avec les changements brusques d’univers et les « coups de folie » du film, capable de nous emmener beaucoup plus loin que son pitch initial. Effectivement, Le Secret de la pyramide flirte fréquemment avec le fantastique sans jamais vraiment franchir le pas, mais distille quelques séquences bien tordues grâce au concept des hallucinations liées à la drogue utilisée comme arme par la secte de Rame Tep. Chaque personnage ou presque y passe, et doit ainsi affronter ses propres peurs au sein de séquences orchestrées bien sûr par ILM (Industrial Light and Magic) qui en profite pour tester à plus grande échelle des images de synthèse alors balbutiantes. En résulte un approfondissement intéressant de la psyché des personnages tout en offrant au spectateur une imagerie onirique inattendue et un rythme imprévisible mais soutenu.

Pourtant, malgré ses qualités indéniables qui font encore mouche aujourd’hui, Le Secret de la pyramide ne trouva pas son public en 1985, rompant ainsi la success story d’Amblin Entertainment (E.T., Steven Spielberg, 1982 ; Gremlins, Joe Dante, 1984 ; Retour vers le futur, Robert Zemeckis, 1985 ; Les Goonies) et annonçant le déclin progressif de la société. Moins vendeur certes, le film de Levinson reste un point culminant du film d’aventure et un modèle de narration et de pertinence cinématographique. À l’heure où l’on ne peut plus revisiter la mythologie grecque sans y insérer des Converse volantes ou des IPods pourfendeurs de Méduse (pour reprendre le pire avec Percy Jackson, Chris Columbus, 2010), Le Secret de la pyramide, une fois la dimension nostalgique dépassée, ne souffre guère de la comparaison avec la majorité des productions jeunesse actuelles et prouve que l’imaginaire déployé par Amblin (casting d’inconnus, cadre intemporel, inventivité constante, fragilité des personnages…) reste une référence majeure dans l’histoire du cinéma de divertissement.

Titre original : Young Sherlock Holmes

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Durée : 109 mn


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