E.T. l’extra-terrestre (E.T. the Extra-Terrestrial – Steven Spielberg, 1982)

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Un extra-terrestre descend sur Terre et aide un enfant cinéphile à vivre.

Elliot n’a pas d’amis. Il passe son temps à traîner avec ceux de son grand frère et bien sûr, au milieu d’eux, personne ne le voit. On ne joue pas avec lui, on ne l’écoute pas et pour exister un peu Elliot rend de petits services – le larbin de la bande en somme. Pour qu’on baisse enfin les yeux sur lui il doit trouver une histoire incroyable à raconter. Il faut qu’elle sorte de l’ordinaire pour que les grands autour de lui l’écoutent mais qu’elle soit assez plausible pour qu’ils y croient, même juste un peu. Comme un coup de pouce du destin Elliot habite Culver City, là où étaient installés les studios de la MGM ; là où se trouvait le siège de la compagnie aérienne d’Howard Hugues. L’histoire va alors venir naturellement à lui : une nuit, un extra-terrestre trouve refuge dans la cabane de jardinage de sa mère et devient son ami. Les grands ont cessé de parler et écoutent Elliot. L’histoire a l’air vraie.

 

À la sortie d’E.T. l’extra-terrestre, lorsqu’il parle dans la presse du divorce de ses parents, de l’ami imaginaire qu’il s’était inventé lorsqu’il était enfant, Steven Spielberg appuie sur les liens intimes qui le lient à son film comme s’il avait peur que l’on ne voie pas, malgré les évidences, qu’Elliot, c’est lui. A travers ce que nous raconte le cinéaste il va alors falloir trouver une place pour notre histoire aux côtés de la sienne pour que les quelques jours qu’E.T. passe sur Terre recoupent nos vies à nous. Pour cela, Steven Spielberg commence par filmer une bande : casquette sur la tête, les loubards n’ont pas encore quinze ans et roulent en BMX. Plus encore que la présence de l’extra-terrestre, une grande part de l’énergie du film passe par ces gosses livrés à eux-mêmes, plus conscients de ce qui se trame autour d’eux que le sont les adultes ; plus malins qu’eux. Mais à la différence des Goonies (Richard Donner, 1985), qui prolongera trois ans plus tard cette idée de la bande de gamins plus fort que tous, E.T. l’extra-terrestre donne une porte d’entrée et une porte de sortie à cette bande. Steven Spielberg nous fait participer à son film en nous autorisant à voir à travers les yeux d’Elliot et non à travers ceux d’un groupe qui, quoi qu’il arrive, sera toujours moins fort que lui. Pourtant si tout passe par Elliot, l’enfant et l’extra-terrestre sont tellement liés que l’on vit également par le regard d’E.T. Le petit garçon a commencé à raconter une histoire, celle du monstre dans la cabane du jardin,  mais en fait désormais partie. Les yeux de la petite bestiole extra-terrestre sont même tellement gros qu’il voit mieux à travers eux.

 

Quand Elliot s’ennuie à l’école, E.T., seul à la maison, zappe devant la télévision et s’instruit également – il y apprend à parler. De façon inexplicable chacun des deux est rattaché à l’autre et quand l’extra-terrestre se descend quelques bières, c’est l’enfant qui se retrouve ivre à son pupitre. Pourtant, cela ne suffit pas à charmer sa voisine de classe, une grande blonde à qui il ne cesse de jeter des regards charmeurs et imbibés. S’il a vaincu sa timidité, la belle continue de le snober. Comme depuis le début de son film, Steven Spielberg va aider l’enfant à se libérer et à trouver une place au milieu des autres. Encore une fois, l’histoire va venir à lui quand E.T. tombe à la télévision sur L’Homme tranquille (1952) de John Ford. John Wayne attrape la main de Maureen O’Hara alors qu’elle allait sortir du cadre, la ramène vers lui et Elliot fait de même avec sa grande blonde. Un sourire apparaît enfin sur le visage de la fille, mais on devine qu’il s’agit plus de celui de la jeune actrice gênée que de celui du personnage. Car la suite elle la connaît : alors que John embrasse Maureen, Elliot s’approche de ses lèvres à elle. À travers les yeux d’E.T., à travers les yeux de sa créature, de son histoire, Elliot a gagné : il vit.

Dans ce cas, le cinéma est-il plus fort que tout ? L’enfant d’E.T. l’extra-terrestre répondrait oui. Elliot vit grâce à l’histoire qu’on lui a permis d’inventer, grandit et oublie très vite grâce à elle tout ce qui pourrait le faire souffrir – où est son père ? Le film le plus personnel de Steven Spielberg est donc forcément le plus cinéphilique. Pourtant, cette puissance que le réalisateur octroie ici au cinéma posera bien d’autres problèmes dans la suite de sa carrière quand justement ce cinéma n’aura pas la force de faire plier vers lui le réel. Qu’est-ce que peut offrir Steven Spielberg à la jeune fille perdue au milieu de la foule de La Liste de Schindler (1993) ? Dans le noir et blanc de la reconstitution, le fait qu’il ait colorié son manteau en rouge lui a-t-il était d’une quelconque aide ? Le cinéma permet à Elliot de grandir dans E.T. l’extra-terrestre et au sein des studios Amblin on regarde l’Orphée (1949) de Jean Cocteau chez les Gremlins (1984 et 1990) alors que les toons de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (Robert Zemeckis, 1988) sauvent le monde. Dans l’univers de Steven Spielberg, qu’il soit réalisateur ou producteur, le cinéma est partout mais sa puissance s’arrête aux portes de l’enfance. La promesse qu’il nous fait d’un imaginaire pouvant changer le monde ne peut les franchir. Néanmoins, il est toujours possible, cinéphile ou non, d’être attrapé avec passion par l’un de ses films comme on peut l’être par E.T. l’extra-terrestre. Une seule solution s’offre alors à nous : accepter la régression.

Titre original : E.T. the Extra-Terrestrial

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Durée : 115 mn


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