Indiana Jones et le Temple maudit

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Steven Spielberg derrière la caméra, Harrison Ford devant. Belle enfilade fougueuse de péripéties pour le second volet, le plus ténébreux sans doute, de la saga Indiana Jones.

Direction l’Orient pour le deuxième opus de la saga Indiana Jones. L’archéologue boucanier revient avec sa veste en cuir, son fameux coup de fouet, flanqué d’un garçon finaud et d’une chanteuse de cabaret, dont la présence dans le film constitue un hommage aux comédies musicales des années 40-50, et confère au tout une touche de légèreté. Le long métrage s’ouvre sur un gong, qui fait écho à ces coups que l’on frappe avant le début d’une pièce de théâtre pour attirer l’attention. Puis l’on enchaîne sur une chorégraphie de danseuses aux tenues flamboyantes et pailletées, au milieu d’une pluie de ballons qui promet d’emblée un grand show d’aventures. La mission de l’aventurier : retrouver la pierre de Sankara, pierre sacrée dont la perte s’est accompagnée de la disparition des enfants du village.

Indiana Jones et le temple maudit s’avère plus lugubre que Les aventuriers de l’Arche perdue. Soyez prudent. Telle est la première réplique adressée à Indiana, élégant dans sa veste blanche, au milieu du night club. Il n’est pas un de ces archéologues toujours dans les jupes de leur maman, ou un super héros doté de puissants pouvoirs. Le personnage est cet homme érudit et assoiffé d’aventures. Il possède ses qualités et faiblesses. D’ailleurs, dans ce volet, il apparaît en prise avec un sortilège, le corps complètement soumis à des contorsions et le regard assujetti aux forces du mal.

Les serpents, insectes, animaux visqueux et carnassiers sont toujours au rendez-vous des péripéties de l’archéologue et génèrent un climat inquiétant. Durant le banquet où se rendent Indiana et ses compagnons, sur la table richement servie, se dressent des plats composés de reptiles. Rien de rassurant, au vu de la place maudite du serpent dans notre culture. Surprise du chef : des cervelles de singes en sorbet pour clore le repas. Les convives autochtones dégustent un mets constitué d’un animal pourtant si proche de l’homme. Là, encore, le présage est funeste. Spielberg ne déroge pas à cette tradition des banquets où prolifèrent les victuailles, et qui s’achèvent dans le sang. Ce fut le cas pour ceux de Balthasar et du tétrarque Hérode Antipas.

Les personnages s’engagent dans la jungle inhospitalière, ainsi que dans les entrailles d’une terre qui renferme un univers inquiétant, un monde de résignation, un lieu où résident des âmes à l’existence fantomatique, triste et diminuée. Indiana, tel Orphée, s’engage dans les bouches d’une grotte dont la topographie est semblable au royaume d’Hadès, entouré de ses fleuves, l’Achéron (où coule le deuil), le Pyriphlégéton (brûlant de feu), le Cocyte (gémissement) et le Styx (le Haineux). Ici, tout y est : désespoir, flammes, cris et abominations. La caverne est proche d’un cours d’eau dans lequel nagent des crocodiles aux dents aussi acérées que celles de Cerbère, prêts à dévorer les passants imprudents.

L’impression d’étouffement domine, Spielberg tournant des plans desquels la lumière diurne est totalement absente, pour laisser place à des brasiers. Ici-bas dansent les flammes, à l’occasion de cultes effrayants, et les bruits ne sont guère sécurisants. L’on ne parvient à percevoir que les incantations maléfiques des adeptes, qui se meuvent comme pour une danse macabre, ainsi que des cris humains et le cliquetis des chaînes de captifs, réduits à l’état d’esclaves. C’est dans la lignée des êtres exploités et astreints aux tâches les plus ingrates de l’époque pharaonienne, que s’inscrivent ces derniers et réfèrent, plus récemment, aux enfants travaillant dans les usines, ou les mines, des romans de Zola ou de Dickens.

La charpente du film n’est pas originale : un homme doit délivrer un peuple victime d’une malédiction en retrouvant un objet sacré, détenteur de puissants pouvoirs, puis mettre ce dernier à l’abri de mains maléfiques. Indiana Jones apparaît comme le sauveur envoyé par la déesse Shiva, et tant attendu dans ce village terne, à la végétation miséreuse, et sur lequel règne un climat de mort. L’archéologue a d’ores et déjà pris sous son aile Demi-Lune, petit garçon chinois autrefois livré à lui-même et s’élève contre le travail des enfants, préoccupation grave et toujours d’actualité.

Cependant, Indiana Jones et le temple maudit ne désemplit pas d’humour. Ce dernier se rapproche d’ailleurs des farces moliéresques. Un comique de gestes et de situation vient insuffler une légèreté au long métrage, notamment à travers le personnage de la chanteuse de cabaret, Willie Scott, évidemment blonde, geignarde et vénale. Le personnage, posé en potiche, se montre toujours soucieux de sa manucure et de sa garde-robe souvent inadéquate, quand il s’agit de faire face aux multiples aventures. Spielberg exploite à fond le stéréotype, notamment dans la scène de chamaillerie amoureuse opposant Indiana et la chanteuse, tous deux bouffis d’orgueil, parvenant à un subtil décalage entre le prosaïsme de cette dispute et le danger de mort qui guette le héros dans sa chambre. Les gestes volubiles de Willie et ses préoccupations futiles, contrastent avec la malédiction ainsi que l’atmosphère funèbre qui planent sur le village, ne limitant pas ainsi le film à une apologie assoupissante des droits des plus faibles.

Le réalisateur surprend avec une cascade de péripéties, lors desquelles les personnages se trouvent confrontés à des traquenards aux mécanismes sournois et ingénieux, et sont acculés à des situations dangereuses, sans répit. Les courses poursuites s’enchaînent à une allure effrénée, accompagnées de la fameuse BO, où s’illustrent les cuivres, intensifiant notre immersion dans l’histoire. Morceau de bravoure : la folle échappée souterraine de l’archéologue et de ses deux compagnons dans les wagonnets.

Vaudou, sortilèges et breuvages douteux sont également présents dans cet opus. Les rites extraits de la réalité (les sacrifices pratiqués chez les Aztèques et dans le culte de Thugee, en Inde) sont insérés avec virtuosité dans ce deuxième volet, qui honore brillamment le genre. Les chicanes, scènes de séduction et remarques frivoles de Willie, suscitent un rapprochement avec notre univers fait de petites tracasseries. Mêlées aux diverses croyances et mythes, elles font d’Indiana Jones et le temple maudit un joyau du film d’aventures, parvenant à conserver son éclat intact après bien des années.

Une réussite pour ce second volet, plus sombre, et qui offre une plongée dans l’action, du début à la fin, des échauffourées de Shanghai à celles du pont, où Indiana Jones se trouve cerné par ses ennemis, en passant par le crash de l’avion et l’escapade en plein cœur de la mine. Que de scènes spectaculaires dans cet opus mené avec un rythme frénétique !

Titre original : Indiana Jones and the Temple of Doom

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Durée : 118 mn


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