Cheval de guerre

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Le papa de « E.T. » revient en signant un film étonnant de maîtrise et d’émotion malgré un postulat de départ improbable.

Suite aux doutes suscités par Indiana Jones et le Royaume du crâne de Cristal en 2008 (défendu par certains, mais vécu comme un désastre colossal et insultant par d’autres), on était en droit de se méfier des nouveaux films de Steven Spielberg. Le cinéaste aura néanmoins su se faire pardonner pour beaucoup grâce la réussite de son adaptation détonante de Tintin, sorte d’Indiana Jones 5 inavoué. Désormais le réalisateur, à nouveau dans une de ses périodes boulimiques, enchaîne avec Cheval de guerre, d’après le roman de Michael Morpurgo, qui a par ailleurs donné lieu à une adaptation théâtrale britannique à succès. Cependant, à l’annonce du projet et de son histoire il y a deux ans, on ne pouvait s’empêcher de s’attendre à nouveau à la catastrophe, un film de papy gâteux à mi-chemin entre Il faut sauver le soldat Ryan et Pom le Poulain… Il n’en est rien au final et, bien que le film s’inscrive dans le genre mélodrame historique, Spielberg signe en main de maître une fable particulièrement émouvante sur la guerre 14-18.

À l’approche de la première guerre mondiale, Albert, un jeune homme vivant dans le Devon à Dartmoor, se lie d’une amitié forte avec un cheval, Joey, acheté au marché par son père. Le cheval sera arraché au jeune homme par l’arrivée de l’armée britannique dans ces paisibles contrées et, devant partir au front, devra se confronter aux affres de la guerre.

La première chose qui frappe avec Cheval de guerre est la volonté du metteur en scène de revenir au ton et à l’esprit des films qu’il réalisait lors des années 80. Ainsi, le film pourrait très bien se ranger aux côtés de E.T., Always, L’Empire du Soleil ou encore La Couleur Pourpre, manifestement désireux d’en retrouver la pureté, l’innocence et le côté enfantin tout en conservant un cachet de cinéma Hollywoodien dit à l’ancienne. Ainsi, deux influences majeures s’imposent tout au long du film : à savoir John Ford tant la première partie du film peut fortement s’apparenter à L’Homme tranquille par ses paysages et ses ciels surplombant les décors ; et David Lean pour le ton résolument britannique du film, notamment lors des échanges militaires entre les personnages de Tom Hiddleston et Benedict Cumberbatch, dû sans doute en grande partie à la présence de Richard Curtis au scénario. Une troisième influence pourrait également venir se greffer aux deux autres sous la figure de Stanley Kubrick et son film Les Sentiers de la Gloire. En effet, plutôt que se contenter d’une redite des séquences tétanisantes du Soldat Ryan, Spielberg parvient à trouver des manières différentes de filmer la violence des champs de bataille, proches du film Kubrick.
 

Roi du « trois plans en un » – voire même parfois du quatre ou même du cinq plans en un !-, la mise en scène virtuose du réalisateur, au découpage inventif et au montage percutant, vient prendre toute son ampleur lors de plusieurs séquences particulièrement impressionnantes. De ce fait, on citera celle de la chevauchée de la cavalerie anglaise prenant la charge du camp allemand avant de se faire décimer à leur tour, d’une intensité inouïe, ou encore celle du labourage du champ lors du premier tiers du film. Vient s’ajouter à cela la photo sublime de Janusz Kaminski ainsi qu’un travail conséquent en termes de montage et de mixage sonore, contribuant fortement à l’aspect véritablement immersif des scènes en question.

L’objectif premier du film étant d’évoquer la souffrance et les peines endurées lors de la première guerre mondiale sous tous les points de vue (anglais, français et allemand) en optant pour celui, neutre, du cheval Joey, s’avère être le cœur même du film et un tour de force scénaristique. On citera d’ailleurs une des scènes finales, magique et bouleversante, se déroulant sous la neige et en silence dans les tranchées. Petite mention à Jeremy Irvine, acteur pour l’instant méconnu, qui nous fait part ici d’une prestation magnifique tout comme Tom Hiddleston, décidemment star montante dans le paysage cinématographique anglo-saxon depuis le Thor de Kenneth Branagh. Les seuls regrets que l’on pourrait évoquer au final proviennent des passages français avec Niels Arestrup et le personnage de la petite fille, assez agaçants et niais (malgré une très belle scène où, une nuit d’orage, le personnage du grand-père au coin du feu raconte à sa petite fille l’allégorie des pigeons voyageurs). De même que la partition musicale de John Williams, peu inspirée bien qu’efficace.

A l’inverse de Tim Burton et de son artificiel Alice au pays des merveilles, Steven Spielberg à su conserver toute l’innocence du regard et la magie de ses films d’antan qu’il injecte généreusement dans ce nouveau film. Dans l’attente impatiente du prochain (son Lincoln avec Daniel Day Lewis dans le rôle-titre), Cheval de guerre se dresse donc comme un film de guerre pour enfants aux allures de conte de fée, se voulant avant tout naïf et innocent. Cyniques s’abstenir.
 

Titre original : War Horse

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Genre :

Durée : 147 mn


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