Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l’Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu’un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l’instituteur local est changée à jamais.
Vermiglio est un film de silence, voire de murmures. Dans ce village du Trentin, perdu dans les montagnes, où seul le bruit lointain d’un avion brise la quiétude de ses habitants et leur rappelle un conflit qui leur semble lointain, la vie s’écoule, sans bruits, pour trois jeunes femmes, Ada, Flavia, et Lucia, filles de l’instituteur Cesare, détenteur d’un savoir et d’une autorité qui le font devenir un maître interdisant la libération de la parole, donc des aspirations sentimentales ou individuelles, de ses proches. Même Dino, le fils, se voit rabroué par ce père inflexible.
Le hameau et ses habitants vivent dans cette ambiance rythmée par les traditions religieuses, les aveux au confessionnal, les chuchotements des sœurs, les cérémonies, les accouchements. Le spectateur pourrait s’attendre à un film monotone, contemplatif, hiératique, or la mise en scène prend une autre tournure lorsque les trois jeunes femmes décident de s’affranchir, via l’arrivée de Pietro, un déserteur qui va trouver refuge auprès de ces villageois, en devenant finalement un catalyseur révélant les non-dits, les frustrations, les désirs. Par l’écriture de billets doux amoureux, par quelques mots enfin lâchés, par des aveux longtemps tus mais éclatant au grand jour, des libérations s’effectuent, même partielles. L’épouse de l’instituteur exprime son ressentiment par rapport à son statut de mère de famille procréatrice d’enfants parfois mort-nés. Et le patriarche démontre son incapacité à livrer son émotion face à la musique de Vivaldi qu’il écoute en la commentant rationnellement. Une liaison charnelle entre Pietro et Lucia sublimera ces volontés d’émancipation.
Ces affranchissements, Maura Delpero va les filmer dans un village ressemblant à celui où vécut sa famille paternelle. Utilisant dans ce long-métrage des acteurs non-professionnels vivant dans ce village, mêlés aux comédiens incarnant les protagonistes, Delpero évoque par petites touches cette vie de ses aïeux, dans un espace-temps révolu, insérant alors le biographique familial et ancestral à la fiction et une touche documentaire. En outre, Vermiglio, véritable nom de ce hameau, nous est exposé selon une teinte bleue sublimant l’éveil des personnages féminins, avec des plans intérieurs ressemblant aux toiles des maîtres hollandais, ou des extérieurs dans lesquels la neige se transforme en masse inquiétante, par désaturation de la lumière. Grâce soit rendue au directeur de la photographie Mikhaïl Krichtman, qui, en accord avec la réalisatrice, a su nimber cette œuvre de cette palette chromatique.
Vermiglio appartient à ces œuvres d’art qui, une fois entrés dans leur espace-temps, vous émeut, vous happe, vous fascine, par sa photographie, son univers, en un mot son essence cinématographique en dehors du mainstream.