Tardes de Soledad

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Mort et solitude métaphysique dans l’après-midi…

Un art mystérieux

Avec cinq courts et neuf longs-métrages à cinquante ans à peine, le Catalan de Banyoles s’est fait remarquer par trois films étonnants, La mort de Louis XIV en 2016, Liberté en 2019 et, plus récemment, en 2022, Pacifiction : tourment sur les îles. Il revient à la charge avec un sublime documentaire qui dévoile les arcanes de la corrida à une époque bien terne où les militants des droits des animaux voudraient la faire interdire pour des raisons qui puisent leur origine dans la bien-pensance en train de massacrer notre vieille civilisation pour la remplacer par quoi ?

Rites solaires et antiques

Certes la corrida est cruelle, certes le taureau va être mis à mort mais dans un combat qui n’épargne pas non plus l’humain qui la mène contre cette bête dont l’origine est à rechercher peut-être du côté des rites solaires de Minos, du Minotaure et du combat contre la bête. Malheureusement, on trouve bien moins de manifestants devant les abattoirs et les élevages de poulets et de porcs en batterie qui sont tout autant, sinon plus, révoltants que les corridas. 

Une prise de vue extraordinaire

Pour ce long-métrage, Albert Serra a choisi de nous étonner, de nous envoûter et aucun aficionado n’aura aussi bien vu l’échange entre l’homme et la bête que dans ce film aux prises de vue extraordinaires, réalisées avec une précision presque entomologiste grâce à une grande focale d’une netteté sublime. On est au plus près du duel et de toute la maestria et les traditions autour de cet art : paillettes, costume hérité des anciens petits marquis et cependant très viril, art des banderilles et du sabre qui s’enfonce avec précision dans la nuque du toro, prières et superstition, etc. le tout avec un calme, une minutie que rien ne peut arrêter.  

Andrés Roca Rey

A travers le portrait du jeune torero péruvien Andrés Roca Rey, star incontestable de la corrida contemporaine, Albert Serra dépeint la détermination et la solitude qui distinguent la vie d’un torero. Par cette expérience intime, le réalisateur livre une exploration spirituelle de la tauromachie, il en révèle autant la beauté éphémère et anachronique que la brutalité primitive. Quelle forme d’idéal peut amener un homme à poursuivre ce choc dangereux et inutile, plaçant cette lutte au-dessus de tout autre désir de possession ?

El Cordobés for ever

Le titre du film évoque bien sûr Ernest Hemingway qui avait écrit un célèbre roman en son temps, Mort dans l’après-midi, car la solitude du toréador est terrible, quasi métaphysique. On le suit avant, pendant et après sept mises à mort qui sont autant d’épreuves pour les assistants, le toréador, le public et bien sûr le taureau qui n’est pas oublié du tout et dont on apprécie la fougue et les couilles, ces fameuses corones qui reviennent dans la bouche comme un mantra qu’il s’agisse de celles du taureau comme de celles du torero. Car ce spectacle éminemment masculin, pour ne pas dire machiste, ne plaira sans doute pas de nos jours aux personnes qui s’éloignent du modèle qu’il qualifie de binaire. Et pourtant, que de force et de puissance dans cet éloge de la masculinité triomphante. Le film semble inspiré par Goya, Picasso, et tous les grands artistes tels que Cocteau aussi qui ont oeuvré pour faire de cet exercice plus qu’un art, un modèle de vie. Et on ne verra plus les corridas du même oeil après avoir vu Serra les filmer à la perfection. Quant au jeune Andrés Roca Rey, mutique, concentré, d’une grande beauté, il y a en lui toute la lignée des grands de la tauromachie, Luis Miguel Dominguín, El Cordobés et Christian Montcouquiol dit Nimeño II . Olé !

Pour le visuel, suivez le lien : https://www.youtube.com/watch?v=_bjlXdYIDbY

 

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Durée : 125 mn


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