Pour sa première réalisation, l’acteur fétiche du cinéma d’auteur US (Happiness de Todd Solondz, Magnolia de Paul Thomas Anderson, Synecdoche New York de Charlie Kaufman…) adapte une pièce de Bob Glaudini, où il tenait le premier rôle à Broadway en 2007. De la scène à l’écran, la même équipe reste fidèle au Rendez-vous : le dramaturge adapte son propre texte, tandis que les comédiens John Ortiz et Daphne Rubin-Vega reprennent leurs personnages. Tous connaissent parfaitement leur leçon pour l’avoir récitée au fil de nombreuses représentations : de là vient sans doute cette désagréable impression de réchauffé, comme si chacun se contentait de reproduire pour la pellicule des gestes et sentiments déjà éprouvés sur les planches. Seule Amy Ryan apporte un peu de sang frais dans cette nouvelle version, académique et paresseuse.
Selon le producteur Peter Saraf, l’apprenti-cinéaste exerçait un contrôle total sur le plateau : «Tout était mis au point, depuis le jeu des acteurs, leur texte et leur positionnement jusqu’à la place de la caméra.» Sans le vouloir, il met le doigt sur le problème du film, trop scolaire et figé. Philip Seymour Hoffman ne laisse jamais respirer ses plans et annule l’émotion par un découpage platement télévisuel. Dès les premières minutes, cette volonté de maîtrise agace, tuant dans l’œuf toute spontanéité. Lors du repas où il présente Connie à Jack, Clyde (John Ortiz) renverse son verre par mégarde, et son mouvement semble calculé au millimètre : plutôt qu’un hôte embarrassé, nous voyons un acteur professionnel feindre la gêne. La prestation de Philip Seymour Hoffman horripile tout autant : raclements de gorge, hésitations, regards perdus et bras ballants, son numéro de paumé convoque les pires tics façon Actor Studio.

Présenté comme un hymne aux losers, le film se donne beaucoup de mal pour paraître sympathique et décalé. New-York est filmé sous la neige – c’est plus joli – et les intérieurs mignons créent une ambiance chaleureuse et cosy. La bande-son fait son miel dégoulinant des titres de Grizzly Bear, groupe local surcoté. Jack préfère d’ailleurs écouter du reggae au casque – c’est dire s’il est cool, malgré son caractère limite autiste. Après sa journée de travail, Clyde fume quant à lui des joints pour se détendre : il faut voir avec quelle affectation il tend le pétard son ami, comme si ce geste relevait de la transgression suprême pour Philip Seymour Hoffman, étonné de sa propre audace. Heureusement, et comme il se doit, l’usage de drogues sera plus tard puni, une gentille soirée virant au cauchemar sous l’influence de la coke. Car si les personnages s’autorisent quelques écarts, ils en paient toujours le prix – on ne transige pas avec la morale : les infidèles seront châtiés et les malhonnêtes démasqués. Pénible catéchisme qui prétend distinguer le bien du mal et s’érige en modèle : à la piscine, Jack et Clyde observent un éclopé faire trempette dans le bassin, puis échangent un sourire béat comme s’ils venaient de découvrir la vie. La scène dure à peine vingt secondes – le temps qu’on accorde à un mendiant pour lui prouver sa générosité. Puisqu’il faut démasquer les malhonnêtes, disons-le tout net : Rendez-vous l’été prochain n’est pas une comédie légère et humaniste, mais une insignifiante esbroufe.