Il faut se laisser emporter par ces images surprenantes, souvent très belles, voire émouvantes dans des détails comme ce jeune labrador attaché qui flotte sur ce qui servait de toit à sa niche, ce reptile vert fluo qui nous regarde après le cataclysme, ou encore ces menus objets et jouets d’enfants que la tornade a déchiquetés. Il faut se laisser porter par le texte magnifique, et par la voix grave de la narratrice qui avait déjà su si bien porter le film La marche de l’empereur (Luc Jacquet, 2005), et par la musique quasi cosmique de Yann Tiersen, bien loin des mélodies un peu sirupeuses du Fabuleux destin d’Amélie Poulain (Jean-Pierre Jeunet, 2001). En dehors de sa teneur hautement poétique mais aussi scientifique qui pourra intéresser tous les publics, y compris les professeurs de SVT, de géographie et leurs élèves, il y a une dimension qui échappe sans doute au spectateur purement envoûté par cette merveille, le côté très technique du film qui s’apparente à une prouesse. C’est en effet ce qui a inquiété et passionné à la fois les trois réalisateurs : « Les moments magiques. Les moments qui vous coupent le souffle. Quand tout se déroule, devant la caméra, et vous savez que c’est dans la boîte. Comme la tempête de sable que nous avons filmée au Sénégal. Nous savions que la possibilité de filmer une tempête de sable, de se trouver au bon endroit, au bon moment, avec des caméras 3D en action, était quasi nulle. Et soudain, elle était là, pile face à nous. C’était effrayant, parce que nous n’avions aucune idée de ce qui allait se passer – si le sable n’allait pas s’introduire dans les caméras et les bousiller, si nous allions pouvoir respirer. Mais en même temps, c’était exaltant. Ce type de moments a fait que toute la pluie, le vent, le froid, la boue, les pneus à plat, en valaient la peine. »

Ce film est passionnant car il est à la fois une leçon de cinéma, de vie, et une magnifique ode à la nature qu’on oublie trop souvent car, sous ses dehors de monstre, l’ouragan est nécessaire, voire indispensable, à la vie terrestre, c’est lui qui fait vivre les forêts et met du désordre pour un bon ordre. Sans doute parce qu’il n’était pas prévu que l’homme, cet être fragile, entêté et prodigieusement intelligent, voudrait se mesurer à lui. En pure perte. « Nous avons voulu montrer que cette beauté effrayante, destructrice et mortelle révèle aussi l’immense leçon que donne la vie : regarder les choses en profondeur, remarquer l’espoir jaillir du chaos, réaliser que l’adversité forme la force, observer que de l’horreur de cette tempête naît la vie. Sentir que l’homme et l’élément sont parties intégrantes d’un tout, que l’ouragan est à la fois impénétrable et sans fin, et que cette fusion nous fait ressentir tout ce qui nous transcende : l’humain n’est ni le début, ni la raison de ce tout. » Belle leçon d’humilité sur laquelle la COP 21 aurait dû méditer !