
Les limites de One O One viennent de l’écart qui se creuse entre le manque que ressent son personnage principal Abbas et ce que l’on donne à voir au spectateur ; entre ce que l’on a devant nous et la manière dont on nous le raconte. Passant d’une époque à une autre, des montagnes à la ville, la narration se déroule à travers des flashes-back et d’incessants allers-retours. Le visage de Sveta que recherche inlassablement Abbas, l’enfant qui lui manque tant et qu’il n’avait pu avoir avec sa femme, ne disparaît jamais pour nous. Parallèlement à la quête urbaine d’Abbas, Franck Guérin s’applique à nous présenter sept années plus tôt et durant près de la moitié de son film l’apparition de l’enfant dans le couple, l’amour de plus en plus profond que lui porte l’homme ; ainsi du premier au dernier plan, Sveta ne nous quitte jamais. Ce que ne cesse de chercher le personnage principal se trouve pour nous continuellement à l’écran. Le vide d’Abbas ne sera jamais le nôtre car One O One passera son temps à le combler pour nous. Construit de deux blocs bien distincts où l’on navigue, où l’on rentre et sort, il manque au film de Franck Guérin une rupture nous permettant également, comme Abbas, de nous rappeler ; de vivre avec lui de ce vide. Ainsi toute la partie "urbaine" de One O One, celle où il faut se souvenir pour vivre, ne nous parle que très peu et vit sans nous. Ce que l’on garde alors du film sont ses scènes glacées dans l’ambiance mélancolique des montagnes, la visite hantée que fait Abbas à l’une de ses voisines et le magnétisme d’Aleksandra Yermak, belle et triste comme une héroïne d’Andreï Tarkovski, attendant un enfant qui ne viendra pas. Ce qui reste en nous de One O One sont des morceaux épars, des moments de grâce que l’on a attrapés en vol et essayés d’isoler du reste. Comme si à défaut de participer, on faisait le tri.