Gru, avec sa silhouette gris noir expressionniste et sa splendide maison gothique avait tous les atouts pour incarner un magnifique abominable. Il possède même une collection d’armes anciennes et d’obus à faire pâlir d’envie Charlton Heston. Malheureusement, son accent russe et son faciès rendent Gru franchement insignifiant : il manque totalement de charisme. Certes, il doit être moche : cela n’empêche pas de travailler une allure, des attitudes, les traits du visage, ou les contrastes. Admettons que le modèle lorgne davantage du côté de Mr Bean, ses gestes n’en sont pas à la hauteur burlesque : la faute à une mise en scène trop fade ? Probablement, aussi, au peu d’énergie consacrée au peaufinage des personnages.
Difficile toutefois de penser à la qualité de son scénario, des détails et des enchaînements, quand on calcule tous les rebondissements essentiellement pour l’effet 3D : la scène d’ouverture est avant tout prétexte pour voir une pyramide désenfler comme une baudruche. Idem pour la séquence du supermarché, destinée à mesurer la profondeur des rayonnages. Sinon ? Le nez du bolide de Gru est sacrément pointu, on reçoit du jus de pomme dans la figure, des montagnes russes comme si on y était, des courses poursuites haletantes dans le ciel, du lancer de calmar… et alors ? On en a vu d’autres, et on reste spectateur de toutes ces démonstrations, assez ennuyeuses au final. L’intrigue, très légère, en pâtit considérablement.

On compte trop peu d’échanges vraiment bien sentis : le premier contact de Gru avec les trois sœurs (« Ne bougez pas, je reviens dans onze heures»), quelques dialogues cassants avec la petite Margo (« Ne touchez à rien ! » – « Même pas au sol ? »). La conception des petites filles reste elle-même très conventionnelle. On a la rêveuse, la bagarreuse, et l’intello à lunettes. Trois rebus de la société, en somme, et orphelines, justement… C’est un bon point, mais encore pas assez creusé. Ces trois gamines ne sont pas tant convenues dans leur caractérisation que dans leur traitement visuel : trois bouilles, rondes, trois petits nez, six grands yeux ronds comme des billes. On attend mieux de l’animation en images de synthèse : des humanoïdes plus vivants, par exemple. Pixar a bien réussi à nous faire craquer pour un robot. Encore faut-il se donner la peine de ne pas confondre animation et démo technique.