Matria

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Travail, famille, matrie.

Dans un village de pêcheurs galicien, Ramona est ouvrière. Son usine est rachetée et les salaires sont à la baisse. Quand Ramona se rebelle contre cette ultime humiliation, elle est licenciée sur-le-champ. Prête à tout pour garantir l’avenir de sa fille, elle enchaîne alors les petits boulots à un rythme effréné… mais jusqu’à quand ?

Développement de son court métrage du même nom, qui a remporté le Grand Prix du Jury du court métrage 2018 à Sundance, Matria (en galicien, langue parlée du film, matria signifie matière ou matrice) s’attache profondément à sa protagoniste, et la touchante Maria Vazquez réalise une belle performance dans un rôle délicat. Ramona (Vazquez), 42 ans, travaille pour une agence de nettoyage, mais aussi au noir à bord d’une drague à fruits de mer. Son compagnon Andres (Santi Prego) ne fait guère plus que boire des bières au petit-déjeuner, exiger des relations sexuelles et se plaindre du vol de son chocolat ; sa fille issue d’un précédent mariage, Estrella (Soraya Luaces), vit loin, abandonnant ses études pour un petit ami qui ne lui convient pas. La vie de Ramona est continuellement sur le point de s’effondrer. Lorsqu’elle et ses collègues de l’agence apprennent qu’ils vont devoir accepter une réduction de salaire, elle réagit immédiatement et trouve du travail comme aide-soignante pour un veuf acariâtre.  Après les tensions initiales causées par le machisme à l’ancienne du vieil homme, ils s’installent dans une relation plus saine. Un nouveau quotidien s’installe pour Ramona qui se bat pour inciter humainement et matériellement sa fille à mener une meilleure existence que la sienne.

Quiconque recherche dans ce film une histoire courageuse et à la narration attendue, racontée à travers les yeux d’une victime de l’injustice, verra ses attentes déçues. L’une des principales vertus de Matria réside dans l’originalité de la personnalité de Ramona : faillible et autodestructrice, exubérante et heureuse quand elle le veut, une dose d’amertume la submerge, amertume qui, combinée à son impulsivité, la conduit constamment dans de nombreux problèmes dont elle doit ensuite se sortir. Ramona est à la fois merveilleuse, agaçante, épouvantable, et la performance audacieuse de Vazquez nous entraîne entièrement dans son monde implacable et irréfléchi, avec ses cheveux roux flamboyants, sa toux de fumeuse, sa langue parfois imagée, ses tons rocailleux et sa capacité sans faille à apporter joie ou désespoir à son entourage.

Autre qualité de ce long-métrage d’Álvaro Gago, un aperçu réaliste de la vie des Galiciens ordinaires et du paysage de la région. La côte accidentée de la Galice, ses grands estuaires,  ses habitants luttant mais subissant le quotidien précaire, constituent un ensemble auquel la photographie rend hommage, sans verser dans la carte postale. Les personnages bénéficient d’un filmage au plus près de leurs sentiments, de leurs espoirs, de leurs activités, leur vie est rendue de manière forte grâce à un montage alternant dynamisme et pauses.

Film de luttes sociales et individuelles, Matria blâme une société qui développe une économie néolibérale se souciant peu des conséquences sur ceux qui la subissent, notamment les femmes. Un film dont nous ne ressortons pas indemnes.

 

Titre original : Matria

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Durée : 99 mn


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