« Je me suis longtemps senti inadapté à ce monde. L’art, d’abord avec la photographie et maintenant le cinéma, m’a appris à rationaliser cette solitude, à lui donner un sens », confiait Ceylan à Alexis Campion pour le JDD il y a un an maintenant (14/01/2007). L’homme, qui se présente comme mélancolique et névrosé, s’intéresse à l’humain, à sa complexité, à ce qu’il ne comprend pas. Le style visuel dans lequel il baigne les Trois Singes traduit certes sa conception du monde, mais c’est aussi le résultat d’une recherche esthétique qu’il mène depuis longtemps, et qu’il emploie aujourd’hui pour raconter l’histoire de cette famille un peu perdue, en équilibre au-dessus du vide, isolée, coupée du monde, tendue vers la vacuité de l’existence humaine.
Sans être aussi convaincant qu’avec Les Climats, Ceylan use et abuse des moyens de la mise en scène pour raconter son cauchemar existentiel, une histoire sur les rapports humains, sur les rapports de l’humain avec la société tout court, et l’existence en général. L’image, extrêmement stylisée (sacré tournant après Les Climats), illustre une situation désagréable, sombre, contrastée, comme cette chaleur moite qui, dans le film, plane sur les corps et leus empêche de trouver la paix.


On ne sort pas indemne de ce film qui distille une sorte d’angoisse étrange et inquiétante, vague. On en revient même un peu perturbé, dans le flou, sans savoir ce que l’on a vécu. Pourtant, si Les Trois Singes est un film déconcertant par bien des aspects, nous voilà face à une oeuvre excitante et passionnante, qui mélange film noir américain et mélodrame turc. Le résultat est assez troublant. Mais très beau.
Non, il n’y rien de mieux au cinéma en ce moment : avant toute chose, allez voir Les Trois Singes. Et regardez Les Climats si vous ne l’avez pas encore vu.