Les rôles de femmes et d’hommes trop sûrs d’eux, sortes de Matamore ou de Trissotin, pourraient largement être tenus par nos politiques ou nos économistes mais, dans ce cas, nous n’aurions plus besoin de conservatoires d’art dramatique. L’art dramatique, Marie Belhomme en vient et connaît bien le sujet : justement, son film peut paraître parfois un peu théâtral, mais ce n’est pas désagréable car l’intrigue est bien menée surtout, encore une fois, par Isabelle Carré qui s’en donne à cœur joie en jouant la dingo lunaire qui entre dans la vie d’un homme, adopte son chien, chausse ses pantoufles, et en tombe finalement amoureuse.

Le film fonctionne parce que la moitié des spectateurs peut s’identifier avec cette jeune femme qui ne sait rien faire, et tout faire, qui ne se trouve pas, sorte d’éternelle ado qui vit en se déguisant en banane ou en oursonne pour des fêtes de personnes âgées ou pour faire de la publicité active dans les rues. Elle est presque à l’image des personnages du cinéma français générés après Tanguy (Étienne Chatiliez, 2001) qui vivent comme des jeunes alors que l’âge commence à les atteindre. Tout le monde doute plus ou moins, tout le monde est fragile et ce film est en quelque sorte comme une chanson tendre d’Alain Souchy, Laurent Voulzy ou Michel Berger, une bluette mélancolique qu’on oublie vite mais qui revient tout aussi vite au moindre souvenir parce qu’elle parle au cœur de midinette timide qui sommeille en chacun de nous.
Si les rôles secondaires sont moins intéressants, comme par exemple Carmen Maura qu’on a déjà vue mieux utilisée au cinéma, le film trouve aussi son allure de croisière dans cette sorte de rythme qui illustre parfaitement la vitesse de notre société actuelle qui fonce en fait vers le néant et le mal de vivre. Elle court, elle court la campagne, mais dans quel but cette petite Perrine sans son pot au lait ? Et ce rien la rend tellement humaine, voire pathétique, et en tout cas attendrissante, car elle est le personnage idéal pour une identification. Nous sommes tous qui plus, qui moins, des Perrine dans ce monde où l’amour est si difficile à trouver malgré les moyens de communication moderne. Le titre est d’ailleurs bien trouvé et Marie Belhomme l’explique fort justement dans le dossier de presse du film : « D’ailleurs, elle court beaucoup… Comme si, au jeu des chaises musicales, elle n’avait pas encore trouvé la sienne. Vous connaissez la règle : vous tournez autour des chaises en dansant et quand la musique s’arrête, vous devez en prendre une et vous asseoir dessus… » Perrine ne trouve jamais vraiment la sienne, c’est pourquoi elle a décidé de prendre celle de l’homme dont elle a involontairement provoqué le coma. Et c’est La Belle au bois dormant revisité qui commence alors…