Eve, celle qui visiblement n’était pas dans les secrets de son mari, c’est Léa Seydoux. Actrice en vogue s’il en est une parmi les jeunes figures du cinéma français. Révélée par Christophe Honoré dans La Belle Personne en 2008, nominée au César du meilleur espoir féminin pour son rôle d’adolescente esseulée dans Belle-Epine de Rebecca Zlotowski, l’actrice aborde ici un autre registre avec le réalisateur tadjik Djamshed Usomonov. Celui d’une très jeune épouse, d’une belle poupée bourgeoise aux bonnes manières dont on pressent, sans avoir la moindre certitude, qu’elle n’est pas complètement étrangère à la disparition de son mari, et que l’avocat qui la secourt (Olivier Gourmet) ferait bien de s’abstenir, voire de la laisser complètement choir.

Et pourtant, il est difficile de penser du mal d’Eve, car Léa Seydoux excelle dans l’art de ne pas nous dégouter. La mise en scène nous la livre mutique, son jeu d’actrice n’en est que plus authentique. Pas fausse ni machiavélique mais brute de douceur, le genre d’éplorée dont Nestor Burma ou le Commissaire Maigret se seraient délectés. Toutefois, arrive un moment où les conseils de ces deux flics de terrain auraient été bien utiles. Car sans plus d’explications, on finit par se sentir un peu perdu dans la vie excessivement creuse d’Eve, comme une impression de sur place. Car Eve n’a pas de parents apparents, pas d’amis, personne à qui parler, personne à qui s’adresser, personne pour nous aider à ne pas décrocher. La mise en scène ne nous soulage pas non plus, au contraire. Djamshed Usomonov brouille encore un peu le propos en développant une histoire d’amour en parallèle du sujet Eve/ Maître Chollet. Celle-ci brossée rapidement redonne un peu de rythme et de couleur au film mais pas franchement à nous qui ne savons trop que faire de ce qui ressemble à un aparté.
A voir Eve insondable, absorbée, écrasée par cette atmosphère romanesque, bourgeoise, française en un mot, on avait saisi dès le départ que l’intrigue nécessiterait de l’attention de notre part, mais on n’avait pas forcément saisi que la progression vers le dénouement serait aussi incertaine. On repense alors à la petite lucarne, et on se rappelle que l’on connaît le coupable avant l’inspecteur Colombo ce qui ne nous empêche pas de nous passionner de bout en bout pour ses enquêtes.
