Projeté tout d’abord en compétition officielle au festival de Cannes en 1997, Le Prince de Hombourg sort pour la première fois cette semaine au cinéma.
Frédéric, prince de Hombourg, est le jeune et impétueux commandant de la cavalerie du Brandebourg pendant la guerre de Hollande menée contre les Suédois, plus amené à suivre ses intuitions que les consignes de l’état-major. Troublé par la vision prégnante du gant de Natalia, nièce de l’Electeur, tombé par hasard ou pour lui, et trouvé la veille lors d’un épisode somnambulique, il n’écoute qu’à moitié les recommandations des vieux militaires pour la bataille à venir. Et ne les appliquera pas. Sorti victorieux du combat grâce à son acte de désobéissance mais coupable de mutinerie, le Prince est condamné à mort par un tribunal militaire réuni par l’Electeur.

Frédéric a le regard fiévreux du héros romantique qui cherche à voir par-delà les apparences ; né sous le signe de la lune qui lui envoie ses rêves et accompagne ses errances de somnambule, il est guidé par ses passions, fussent-elles funestes, et ses visions qui font parfois de lui un augure. Il voit que Natalia tombe amoureuse de lui et les voilà fiancés, il se voit couronné de lauriers et le voici victorieux. Mais ces visions font aussi de lui un incompris dont les fantaisies et les aspirations sont en inadéquation voire en opposition avec le monde réel et la loi autoritaire (incarnée par le tribunal et la famille) qui condamne sa conduite de la peine capitale. De fait, il pourrait reprendre à son compte les mots écrits par son créateur : « J’ai envie de suivre mon cœur là où il m’entraîne, sans plus tenir compte de rien, sinon de ma propre satisfaction intérieure. J’ai été trop dominé jusqu’à présent par le jugement des hommes ».
Une envie pour ainsi dire utopique. Le prince refuse d’obéir, décide de suivre une intuition, est condamné à mort, refuse de mourir puis accepte la sentence. Pendant tout ce temps passé au gré de ses revirements, il pense être maître de ses décisions et de sa destinée, seulement il n’en est rien. Natalia veut le sauver par égoïsme sans écouter les raisons et les sentiments qui motivent ses choix, son oncle veut le punir de ne pas être mort en héros sur le champ de bataille, ce qui l’aurait disculpé aux yeux de tous. Frédéric n’est en réalité qu’une marionnette évoluant dans un théâtre d’ombres, un soldat de plomb qu’avance l’Electeur à sa guise. Il croit avancer les yeux ouverts mais ses yeux sont en fait bandés. Soumis à des accès de somnambulisme, il ne semble jamais totalement éveillé, à l’image du film lui-même qui se déroule quasi exclusivement de nuit dans une ambiance onirique ; où visions et réalité s’entremêlent comme cohabitent classicisme et expressionnisme dans les décors.
Les derniers mots du film résument à eux seuls l’esthétique du Prince de Hombourg : « Est-ce un rêve ? / Un rêve, quoi d’autre ? »