Le grand chariot

Article écrit par

Film de famille sur la vie des marionnettes…

La vie d’une troupe

Toute la famille Garrel est presque au grand complet pour ce film manifeste sur l’art de la scène et le théâtre. Philippe Garrel se prend pour un modeste Molière et il raconte ici avec l’aide de son fils Louis, savamment utilisé, et ses deux filles Lena et, surtout, Esther de plus en plus belle et sûre de son jeu, la vie d’une troupe de marionnettistes nommée Le Grand Chariot. Pour qui s’intéresse un tant soit peu à l’astronomie, il s’agit d’une grande constellation de notre système solaire, mais ces étoiles qui naissent et meurent c’est aussi les membres d’une famille qui vit pour et par le théâtre et dont l’avenir va être compromis par la mort du père, tête pensante et cheville ouvrière du groupe. Malgré un léger abus de népotisme cher au cinéma français qui ne vit que de l’entre-soi, ce film est très agréable à découvrir, empli d’une douce mélancolie et d’un savoir-faire bien différent de ce à quoi nous avait habitués Philippe Garrel même si l’amour et le désir traversent encore  en filigrane le film.

Fin d’un genre

Bien sûr, l’allégorie de la marionnette n’échappera à personne : elle rappelle Ingmar Bergman, mais aussi Federico Fellini qui, de son côté, comparait le métier de cinéaste à celui du montreur de marionnettes. Elle convoque aussi le mythe de Gepetto et de sa marionnette de bois qui lui échappe, Pinocchio. Le film ressuscite aussi toutes les images du théâtre et de la vie de troupe avec ses repas en commun, ses tournées et ses rêves souvent déçus. C’est dire que Le Grand Chariot a tout pour plaire puisqu’il évoque à la fois les arts du spectacle et la littérature puisque les textes sont écrits, joués et mis en scène par la troupe. Donc, à la mort du père, la troupe va-t-elle survivre surtout connaissant le désintérêt grandissant du public pour cet art jugé maintenant un peu ringard sauf par les enfants qui continuent de l’aimer autant qu’avant et qui occupent une bonne place dans la mise en scène, superbement éclairés et filmés par Jean-Paul Meurisse sur une musique originale de Jean-Louis Aubert. En outre, le scénario est exhumé lui aussi de la succession Jean-Claude Carrière, tout comme La Croisade que Louis Garrel avait réalisé tout seul. Le socle du film est constitué bien sûr par les acteurs et on pourrait voir dans le rôle de la grand-mère, interprétée par Francine Bergé, une forme d’évocation du patriarche du clan Garrel, en la personne du grand-père, Maurice, grand acteur décédé en 2011. 

Un Louis d’or

Malheureusement, la fin du film à la fois un peu attendue et bancale laisse un peu à désirer comme si le réalisateur voulait se débarrasser du théâtre en train de mourir, ou comme si le scénario de Carrière n’avait pas été terminé. En revanche, les deux sœurs fonctionnent bien ensemble et donnent une dimension encore plus réelle au film même si on se doute que ce doit être bien différent pour une famille de cinéma. C’est Aurélien Recoing, impeccable dans le rôle du père, mais surtout Louis Garrel dans le rôle du fils, qui tiennent tous les deux la structure du film. Malheureusement, le père meurt à la fin de la première demi-heure et Louis disparaît peu après en abandonnant ses sœurs, les marionnettes pour devenir un acteur vedette au théâtre. Louis Garrel, avec son humour désinvolte maintenant presque légendaire, apporte au film une note plus légère qui convient au personnage et il se pose en frère incroyablement présent auprès de ses deux sœurs vraiment très crédibles. On dirait que le cinéma de Philippe Garrel, jusqu’à présent assez théorique, prend plus de suc en allant chercher son inspiration dans la vie de la famille, et ce n’est pas pour nous déplaire en fait.

Titre original : Le grand chariot

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 95 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

La peau douce

La peau douce

Avec « La peau douce », François Truffaut documente une tragique histoire d’adultère seulement conventionnelle en surface. Inspirée par un fait divers réel, la comédie noire fut copieusement éreintée au moment de sa sortie en 1964 par ses nombreux détracteurs; y compris à l’international. Réévaluation.

La garçonnière

La garçonnière

A l’entame des “swinging sixties” qui vont pérenniser la libération des mœurs, « la garçonnière » est un “tour de farce” qui vient tordre définitivement le cou à cette Amérique puritaine. Mêlant un ton acerbe et un cynisme achevé, Billy Wilder y fustige allègrement l’hypocrisie des conventions sociales et pulvérise les tabous sexuels de son temps. Un an après avoir défié le code de
production dans une “confusion des genres” avec sa comédie déjantée Certains l’aiment chaud, le cinéaste remet le couvert. La satire aigre-douce et grinçante transcende la comédie; défiant les classifications de genre.