Le Gang des Antillais se comprend comme une réponse en forme de coup de poing à un épisode oublié de l’histoire française : celle d’une colonisation qui existe en cachant son nom. Jean-Claude Barny met à l’écran les actions, aujourd’hui perdues dans les limbes de l’histoire officielle, d’un groupe de travailleurs antillais en métropole, décidés à braquer les bureaux de poste pour récupérer ce que la France leur a volé et pour financer la lutte de leurs camarades indépendantistes en Guadeloupe et en Martinique. Qualifiés bien vite de « gang des Antillais » par la presse en 1978, les militants se sont ainsi faits rapidement classer dans la catégorie des petits délinquants égoïstes, bien loin de leur idéal politique de libération des peuples.
Adoptant le point de vue d’un membre du gang, Jimmy Larivière, Jean-Claude Barny s’attaque à la neutralisation politique des actions du groupe en les réinsérant dans le contexte de la France raciste des années 70. Premier plan post-générique : un travelling au ras du sol découvre un pied, puis une jambe, puis la tête de Jimmy endormi aux côtés de sa fille Odile sous une couverture miteuse, trouvée au fond d’un garage où ils ont passé la nuit. Le propriétaire des lieux, blanc, les surprend et les chasse à grands coups d’injures négrophobes. La France exploite ces travailleurs sans les traiter avec décence. Le fameux syndrome du « not in my backyard ».

Film de gangsters, Le Gang des Antillais fait passer l’action avant la compassion. Avec une grande efficacité narrative et au rythme frénétique du montage, qui cumule transitions en volet, split-screens et esthétique clip lors des préparations des braquages sur fond de musique créole festive, la mise en scène transforme ceux qu’on considérait comme des marginaux en militants maîtres de leur existence et déterminés dans la lutte contre l’État français.

Finalement, si Jean-Claude Barny réussit son pari de redonner une image active des indépendantistes antillais, il le fait au détriment des autres acteurs en présence. Unilatéral, le film n’aborde que le point de vue, viriliste, des membres du groupe, sacrifiant sur l’autel de l’action les autres Antillais, à commencer par les femmes. Linda, Odile, Marraine : autant de personnages qui ne servent que de contrepoint au héros masculin. Somme toute, une vision bien étriquée de la diaspora antillaise et de son histoire en métropole.