La tigresse (Too Late for Tears, Byron Haskin, 1949)
Une providentielle valise pleine de dollars bouleverse la vie d’un couple et surtout celle de la femme modèle de l’American Way of Life qui se transforme en une créature fatale. S’inscrivant dans la lignée du Facteur sonne toujours deux fois, et autres engrenages diaboliques, La Tigresse multiplie les rebondissements -un peu trop, mais c’est l’une des règles de ce type de polar à tiroirs qui n’attend nous laisser aucun répit- avec un savoir-faire sans faille. Visage d’ange aux rictus révélateurs, Lizabeth Scottt, blonde glaçante quelque peu oubliée malgré sa longue filmographie, possède des griffes suffisamment aiguisées pour mettre au pas tous ceux (ou presque) qui ose se placer sur son chemin. Face à elle, Dan Duryea qui perd progressivement son sourire carnassier pour devenir presque aimable, compose un personnage atypique et riche. La présence de Dureya, brillant second rôle dans Pour toi, j’ai tué (Robert Siodmak, 1948), aussi à son aise dans l’autre terre genre qui se nourrit de la violence du modèle américain, le Western, est déjà, en soi une raison suffisante pour apprécier cette efficace série B.
Le déporté (The deported, Robert Siodmak,1950).
Le déporté tire sa singularité de ses différents contrepieds et contrastes. Un contexte politico-économique néoréaliste, l’Italie du sud à la sortie du second conflit mondial, contrebalancé par un discours volontariste. Siodmak qui, d’habitude, n’a pas son pareil pour jouer avec les ombres – au sens et au figuré- baigne ici son récit de gangsters en exode dans une lumière resplendissante. Si le scénario, Vick Smith (Jeff Chandler) gros bonnet new-yorkais extradé dans son pays d’origine, s’inspirerait en partie de l’histoire de Lucky Luciano, les exactions et les mauvaises intentions du célèbre kapo sont minimisées pour laisser place à une rédemption par défaut. La carrure et le charisme de Jeff Chandler se doublent d’une ambiguïté salutaire. Le ton oscille entre le drame, le film noir et la comédie-romantique sans jamais choisir son camps, évitant ainsi tout moralisme sentencieux. Un voyage en Italie plein de charmes.
Iron Man (Joseph Pevney, 1951)
Le ring comme unique espoir de sortir de la misère. Le ring et ses combats truqués, les Rise and Fall orchestrés par la pègre. Le film de boxe est un sous genre flirtant inéluctablement avec le Noir des bas-fonds. Difficile d’innover dans le genre, difficile de rivaliser avec les champions qui boxent dans la même catégorie, ceux qui s’attachent à l’homme plus qu’au champion, à ces hommes pour qui la douleur physique est moins déstabilisante que les blessures psychologiques, dans les années cinquante les deux de Robert Wise : Nous avons gagné ce soir (1949), Marqué par la haine (1956). Mais Iron man s’en sort avec les honneurs en jouant la carte de la modestie. Les titres ne sont pas un objectif pour Coke Mason (Jeff Chandler), et sa succès story n’en est pas une, car il est hué par le public à cause de son instinct sauvage. Ce n’est pas un boxeur dans la noblesse de l’art. Si Mason est monté sur les rings ce n’est pas éviter de descendre dans la mine, son métier qui donnait un sens à sa vie. Poussé par un frère cupide, il va déverser sa violence et sa force insensée sur des adversaires désarmés face à ses poings d’acier. Construit sur un long flash-back, l’ascension sous forme de guérison ne cherche jamais à nous transporter dans l’ivresse des victoires et le cataclysme des défaites. Un film à fleur de peau, simple et beau.
Le Rôdeur (The Prowler,Joseph Losey, 1951)
La nuit tombée, son mari absent, Susan Gilvray qui se sent menacée par la présence d’un rôdeur autour de chez elle fait appel à la police. Deux officiers interviennent sur le champ. Tandis que plus âgé des deux, Bud Crocker, inspecte et sécurise l’intérieur, le second, Webb Garwood, fait le tour de la maison. La scène d’ouverture, fenêtre sur jardin hitchcockienne, malicieuse alternance entre les points de vue intérieur et extérieur se conclue sur une fermeture de rideau. Provocation ? La mariée est trop belle pour le solitaire Web qui n’a qu’un seul désir : être un invité permanent Zélé, opiniâtre, sachant se montrer aussi bien rassurant que désarmé, le policier va progressivement s’imposer, à tel point que la moindre de ses absences devient insupportable pour Susan. Inversion du rapport entre le serviteur présumé et l’hôte et l’invité, entre l’obligé et son serviteur, Losey construit et déconstruit ici la toile aux ramifications infinies qu’il reprendra avec encore plus d’ambiguïté et de perversité dans The Servant (1963). Le rôdeur home -invasion avant que le genre ne soit crée, homme-invasion avant MeToo, se construit sur un double huis clos. La première partie dans le cadre classique d’une maison cossue. La deuxième dans une baraque quasiment abandonnée aux confins du Nevada, dans le désert personne ne vous attend crier. Laissez-vous hanter par Le rôdeur.
Le déporté/ Le rôdeur/ Iron Man/ La tigresse, en Combo Blu-Ray/ DVD en version restaurée chez Éléphant Films depuis fin mars 2025.