Et pour une première fois, avec autant de responsabilités sur les épaules, l’apprenti cinéaste n’a pas fait le choix de la facilité. Là où certains opteraient pour une histoire plutôt personnelle, à échelle humaine, il choisit de foncer tête baissée dans une épopée historico-romantico-romanesque. Carrément. Non content de viser si haut, il s’attaque qui plus est à un pan méconnu de la Première Guerre Mondiale pour qui n’est ni Australien, ni Néo-Zélandais, ni Turc. Maxi sujet, mini cible. Mais Crowe ne voulait pas juste faire un film pour le public, son ambition, car c’est bien de cela qu’il s’agit était d’ériger un mémorial de celluloïd, excusez du peu. C’est donc armé des meilleurs intentions du monde, à savoir la réhabilitation du point de vue des vaincus, qu’il descend dans l’arène.

La Turquie c’est beau (et jaune apparemment) mais c’est loin. Joshua ne serait pas plus perdu en débarquant sur la lune. La seule chose exotique qui lui était devenue familière en Australie, était son recueil des Mille et une nuits qu’il avait l’habitude de lire le soir à ses garçons, comme un signe, un symbole fort de la tragédie et du périple à venir. Raté Joshua (raté Russel), les Mille et une nuits est écrit en arabe et la Turquie n’est pas un pays arabe (et est-il même oriental ?) ; le symbole fait plouf. Et si le conte préféré des Connor est celui où l’on retrouve un tapis volant, le cinéaste lui s’en est vraisemblablement servi pour réaliser son premier film tant il ne fait que survoler les (trop) nombreux sujets abordés dans le scénario. Les velléités indépendantistes d’une Turquie occupée par les Anglais mais aussi attaquée par des Grecs mais aussi on ne sait plus quoi au juste, la condition de la femme ottomane (qui est libre mais pas trop), l’illumination soudaine d’un survivant (prétextes à des flash-backs plutôt moches), le pire restant à n’en pas douter l’histoire d’amour qui rend diabétique au premier regard. Durant les deux heures que dure le film, aucun cliché scénaristique ou psychologique ne nous sera épargné, de l’amour plus fort que la mort à la guerre, cette connerie, puisqu’on est tous humains après tout.
