La convocation

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La Convocation, huis clos norvégien d’Halfdan Ullmann Tøndel nous embarque dans un face à face parental au sein d’une école.

Elisabeth (Renate Reinsve), mère du jeune Armand âgé de six ans, est convoquée par l’école de son fils. Ce dernier est accusé d’agression sur un autre élève. S’ensuit alors une journée de confrontations et de dialogues entre Elisabeth, le couple de parents, Sarah (Ellen Dorrit Petersen) et Anders (Endre Hellestveit), et les trois membres du  personnel scolaire jusqu’à ce que la vérité éclate. 

Un huis-clos anxiogène

Au milieu de la forêt, sur une route sinueuse, Elisabeth est au volant de sa voiture. Cette séquence d’ouverture qui n’est pas sans rappeler celle de Shining, dévoile, au lieu d’un hôtel, une école tout aussi effrayante. Empruntant à l’œuvre de Kubrick sa manière d’installer un climat anxiogène, le jeune réalisateur fait de l’école, un lieu à l’inquiétante étrangeté. Présentée de l’extérieur en légère contre-plongée sur un fond musical angoissant, elle trône au milieu des bois, terrain propice au huis clos et aux influences fantastiques. Comme l’Overlook Hotel, l’intérieur est fait de longs couloirs vides et d’une multitude d’escaliers filmés en une succession en fondu de lents travellings.  L’ambiance du lieu du drame donne dès le début le ton à ce huis-clos oppressant.

Le spectacle des émotions

Filmée en contre-plongée lors de son entrée dans le lieu de la convocation, chaussures à talons résonnant sur le sol, Elisabeth affirme sa position de personnage principal. Actrice de métier, décrite comme une « star » par les autres personnages, elle n’hésite pas à se mettre au centre de l’attention. Pourtant, la caméra cadre tous les personnages volant ainsi la vedette à Elisabeth dont la carrière de comédienne est d’ailleurs ralentie depuis la mort de son mari. Le réalisateur prend le parti pris d’une mise en scène où le gros plan est roi. Une telle entreprise permet d’ « envisager » (pour emprunter le terme à Deleuze) les histoires de chacun à la lecture de leurs visages, de leurs émotions. Incompréhension, stupeur, colère et tristesse martèlent tous les protagonistes. Il y a aussi des rires, nerveux certes, mais un fou rire quand même, incontrôlable et interminable qui replace Elisabeth au cœur de l’attention. Sous le regard consterné de ses adversaires, cette femme au bord de la crise de nerfs passe du rire aux larmes jusqu’à son effondrement. De la contre-plongée qui magnifiait sa grandeur, son rôle de « star », elle est montrée dans plongée écrasante, recroquevillée et pleurant sur les marches d’un escalier. Nous assistons ainsi à un véritable spectacle des émotions que le dernier acte clôturera par l’éclatement d’une vérité latente tout au long du film. 

Le vertige de la vérité

Le petit Armand, d’ailleurs absent du huis clos en dehors des dialogues, subit de graves  accusations durant tout le film. Il est l’objet de la convocation mais n’est, finalement, pas le sujet du du crime. Ce joue alors dans cette école, lieu clos favorable au procès, une recherche de la vérité. Les histoires et relations de chacun ne sont en fait qu’un enchevêtrement de fabulations qui cachent la plus simple vérité : l’accusation n’est qu’un mensonge. 

Elisabeth dont le métier d’actrice la met du côté du jeu, de la facticité, de l’artifice – on note d’ailleurs son apparence artificielle que le maquillage et sa tenue opposent au naturel de Sarah –, n’est finalement pas le personnage du mensonge, de l’hypocrisie. La séquence de résolution est littéralement une douche froide lorsque l’on apprend la culpabilité de Sarah. Dans un mouvement presque chorégraphique les personnages, sous la pluie battante, changent de camp pour regagner celui de la vérité. Elisabeth d’abord seule face aux autres est rejointe par ses anciens adversaires, laissant Sarah esseulée par le mensonge. La morale de cette histoire, celle de ne pas se fier aux apparences, qui était pourtant évidente est tout de même clairement énoncée par Elisabeth. 

En somme, un huis-clos qui réussit son pari anxiogène en montrant la détresse de parents prêts à tout pour protéger leur enfant. Le film se perd toutefois dans une mise en scène parfois trop littérale et métaphorique redoublant des significations pourtant flagrantes. Le réalisateur, pour son premier long-métrage, tente l’originalité tout en citant les grands cinéastes.

 

Titre original : Armand

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Durée : 116 mn


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