Sans s’essayer à l’exercice de style cafardeux et bricolé de la Dernière maison sur la gauche, Miguel Angel Vivas tente paradoxalement d’associer son ambition de livrer un thriller sociétal à un dispositif filmique baroque et esthétisant. Car Kidnappés, s’il fait autant parler de lui, a cette particularité d’être entièrement filmé en plans-séquences. Douze pour être précis. Douze scènes de dix minutes environ se succèdent, pour raconter le calvaire d’une famille de bourgeois lambda, emménageant en banlieue de Madrid, et qui dès la première nuit dans leur maison, sont attaqués par un trio d’hommes cagoulés ayant la ferme intention de dérober tout leur argent, qu’il soit dans la villa ou sur leur compte en banque.
Horreur sociale

Sur une proposition assez proche, Michael Haneke a délivré un Funny Games assez définitif, même s’il n’a jamais eu l’effet escompté par son auteur (interroger le spectateur sur son appétit pour la représentation de la violence). Malgré ses velléités affichées de ne pas faire « un thriller de plus », Vivas n’a guère les moyens, avec ce film virtuose mais creux, d’en reprendre le flambeau. Si Kidnappés contient son lot de scènes estomaquantes (dans tous les sens du terme), et sait choquer les spectateurs en mal de sensations fortes, par nature, le plan-séquence est intrusif, continu et interdit par sa longueur l’introduction d’un hors-champ salvateur . Son manque de profondeur thématique, de recul sur un sujet par essence viscéral, lui interdit toute autre ambition.