Réalisé en 1944, le film aborde le thème de la guerre sous un angle singulier. Si l’existence des combats est certes évoquée brièvement, ce sont bien les militaires en civil et leur rapport à la population qui intéressent Preston Sturges. Prenant ses distances avec les élans patriotiques de la production hollywoodienne d’alors, le cinéaste dresse le portrait d’un héros de guerre singulier puisqu’en pleine imposture. La démarche de Sturges est ambitieuse, son film dénonçant à la fois le caractère superficiel de la définition du héros de guerre, qui se résume bêtement aux médailles qu’il arbore à sa veste – quand bien même celles-ci ne lui appartiennent pas -, et la crédulité d’une population déconnectée de la réalité du conflit mais néanmoins prompte à porter aux nues le fils du pays et à en faire le futur maire de leur ville. S’il n’est pas tendre avec l’armée, les soldats étant davantage présentés comme de grands benêts que comme d’illustres incarnations grandeur nationale, Sturges en profite aussi pour dénoncer la corruption politique du pays. Le maire en place essaye tant bien que mal de profiter du retour du héros pour se mettre en avant, alors même que les mensonges de Truesmith en font immédiatement un candidat potentiel aux élections locales qui se profilent.

Si l’insolence du discours est savoureuse, on peut déplorer que Preston Sturges ait choisi de la dissimuler derrière le masque d’une comédie potache, l’aspect comique du film n’étant pas sa plus grande réussite – les multiples gags et l’utilisation récurrente du Mickey Mousing alourdissent ainsi son propos initial. À l’instar de la première rencontre entre Truesmith et les soldats, Sturges construit ses séquences jusqu’à leur saturation. Autour du héros, les plans deviennent vite trop peuplés, trop bruyants, le jeune homme perd totalement pied et ce décalage est à même de créer les situations comiques. Pourtant, l’effervescence des scènes de groupe tombe trop souvent à plat, la faute, peut-être, à la prestation trop théâtrale de Eddie Bracken. Alors, un peu à la manière de ce que nous avons vu dans Gouverneur malgré lui, les plus belles scènes de Héros d’occasion sont intimistes et gravitent autour de son personnage féminin, Libby (Ella Raines). À ses yeux, Truesmith, qu’il soit où non un imposteur, ne se limitera jamais au héros que tout le monde adule, mais restera avant tout cet amour de jeunesse que la guerre lui a enlevé. Future belle-fille du maire, elle vit donc le retour de Truesmith comme un crève-cœur. Tandis que celui-ci ne parvient pas à se faire entendre au sujet de la supercherie dont il est l’objet, chacune de ses tentatives pour modérer l’enthousiasme de la population étant perçue comme l’exemple de sa haute humilité et lui valant de nouveaux éloges, Libby, elle, ne sait trouver la force de lui annoncer ses fiançailles. Alors qu’ils sont tous deux dépassés par le monde qui les entoure en même temps que prisonniers d’un destin qui n’est pas le leur, la séquence nocturne qui les unit constitue dès lors une respiration, une courte victoire sur la pression du groupe, et le premier pas vers la possibilité d’un dénouement heureux.

– "I knew the Marines could do almost anything, but I never knew they could do anything like this." / « Je savais les marines capables de faire à peu près n’importe quoi, mais je n’aurai jamais pensé qu’ils puissent faire quelque chose comme ça. »
– "You got no idea!" / « Tu n’as pas idée ! »
À l’heure de se remettre en route, les soldats américains retrouvent finalement leur sérieux et un peu de leur superbe. Après avoir été gentiment moquée, l’armée reprend sa place de fleuron d’une Amérique conquérante et le film perd en grande partie de sa saveur.