Her Story

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Chronique douce-amère de la sororité contemporaine

Wang Tiemei, une mère célibataire, s’installe dans un nouveau quartier avec sa fille, Molly, dans l’espoir de repartir à zéro. Elle noue une relation inattendue avec Xiao Ye, une romantique invétérée qui a une vision du monde totalement opposée à la sienne. Malgré leurs différences, grâce à Molly, les deux femmes trouvent réconfort et force dans une amitié sincère, s’aidant mutuellement à guérir les blessures du passé et à affronter les défis du présent.

A travers l’histoire intime de ces 2 femmes, le film dresse un portrait touchant des chinoises modernes. Il explore les relations qu’elles entretiennent avec les hommes selon deux perspectives différentes : ce que cela signifie d’être une femme célibataire et une mère célibataire. Le film aborde aussi la question de l’enfance dans un foyer divisé, et la maturité précoce qui en découle. On peut dire que Her Story est « our story » : l’histoire des femmes issues de différentes générations, classes sociales et situations relationnelles. C’est aussi celle d’hommes aux tempéraments, colères et maladresses variés.

Wang Tiemei est un personnage confronté de plein fouet à la réalité, aux difficultés de la vie et à une réorientation professionnelle forcée. Sa foi en l’amour a été brisée par son ex-mari, et ses idéaux mis à mal par les difficultés financières. Élever seule une fille dans ce contexte est un véritable combat. Comme tant de femmes, Tiemei ressent le poids de l’obligation d’être parfaite. Cette pression la pousse à projeter sa colère sur sa fille Molly – ce qu’elle regrette aussitôt, ce qui ne fait qu’alimenter davantage sa frustration. Xiao Ye, aussi chaleureuse et sincère que Wang Tiemei est distante, tente d’établir une relation aveccette nouvelle voisine qu’elle trouve « cool ». Pour Tiemei, qui se méfie de ses propres émotions,

Xiao Ye est une femme « faible », parce qu’elle exprime librement ce qu’elle ressent et poursuit l’amour avec espoir. Xiao Ye développe une relation plus naturelle avec la fille de Tiemei, Molly. Elle aime passer du temps avec Molly, et cela arrange aussi Tiemei, débordée par son travail. Xiao Ye devient alors à la fois une amie proche et une sorte de mère spirituelle pour le jeune fille. Au fur et à mesure, l’amitié entre les trois se renforce, jusqu’à une dispute marquante qui révèle leurs véritables pensées. Comme souvent, un conflit devient un tournant. Comme évoqué précédemment, Tiemei considère Xiao comme faible, alors qu’en réalité, la vraie faiblesse est peut- être la sienne : son incapacité à exprimer ses émotions.

A la fin du film, leur lien les pousse toutes à devenir de meilleures personnes à leur manière : Tiemei apprend à accepter ses sentiments et dépasse ses préjugés, Xiao Ye s’affirme dans un mode de vie qui lui correspond mieux, et Molly, grâce à elles-deux, apprend à se battre joyeusement pour ce qu’elle désire.

La place des hommes

En parallèle de ces femmes, trois personnages masculins enrichissent le récit. Ils incarnent différents profils d’hommes, mais leur rôle principal reste celui d’« hommes face aux femmes ». L’ex-mari de Tiemei est un homme naïf, traditionnel, qui entre et sort de la vie de son ex-femme sans se soucier des limites. Il réalise trop tard ce qu’il a perdu et tente de réparer ses erreurs, en vain. Le jeune batteur, quant à lui, est à l’opposé du modèle traditionnel : épris de Tiemei, prêt à tout pour elle… mais finalement davantage motivé par son propre besoin de relation que par un réel respect de ses désirs envers elle. Leur frustration à tous deux, nourrie par le refus de Tiemei, blesse leur orgueil masculine. Lors d’un dîner, les deux hommes s’affrontent dans une joute de virilité digne d’un combat de coqs — une scène dont les femmes, Molly comprise, saisissent parfaitement le ridicule.

Par ailleurs, l’homme que Xiao Ye espère conquérir, lui, ne s’intéresse pas vraiment à elle. Il se contente de passer du temps avec elle sans engagement, sans l’aimer. Xiao Ye recourt alors à un mensonge dans leur relation, et c’est ce mensonge qui éveille finalement un semblant d’intérêt chezlui.Le film aborde avec finesse les rôles des relations hommes-femmes, les questions de féminité comme la ménopause ou les règles, à travers des dialogues souvent drôles. Ces échanges permettent au public de saisir les écarts de perception entre hommes et femmes, mais aussi les différences sociales dans la société chinoise. L’humour contribue à la légèreté et à l’accessibilité du propos.

Une cinématographie simple mais raffinée

Her Story, bien qu’il s’adresse à un large public par son récit et son ton, déploie une cinématographie d’une grande justesse qui saura séduire les cinéphiles. Il reprend la simplicité visuelle caractéristique du cinéma asiatique, tout en en modernisant certains codes culturels. Ce réalisme adouci participe au plaisir du spectateur. Le fait que Xiao Ye soit musicienne, que son ami batteur soit impliqué dans l’intrigue, et que Molly rêve de devenir batteuse, renforce l’importance du son et de la musique dans le film. La réalisatrice accorde une attention particulière à l’univers sonore et au montage. Surtout, la scène où l’on voit en parallèle Xiao Ye faire écouter des sons à Molly et les images de sa mère quand elle fait des efforts pour être une « bonne » mère, est l’une des scènes iconiques du film.

Plutôt que de sombrer dans le didactisme féministe, le film préfère raconter, avec sensibilité et humour, l’émancipation de deux femmes et d’une jeune fille au sein de leur société. C’est ce ton à  la fois tendre et fort qui rend le film si marquant.

En résumé, Her Story n’est pas un simple manifeste féministe contemporain. C’est un film lumineux, divertissant, finement écrit, remarquablement interprété et porté par la vision prometteuse d’une jeune réalisatrice.

Chronique douce-amère de la sororité contemporaine

Titre original : Her Story

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Durée : 123 mn


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