
En opposant l’apathie du héros à sa volonté soudaine et inflexible de retrouver une montre perdue, en confrontant au labyrinthe bureaucratique cette détermination individuelle – et apparemment dérisoire – qui fait d’un objet quotidien chargé de souvenirs le moteur d’une lutte contre le pouvoir, les cinéastes jouent avec un certain plaisir la carte de l’absurde, sans toutefois renier un style naturaliste. L’archétype de l’asocial évoluant en marge du monde des hommes – Tsanko est un bègue vivant reclus avec ses lapins dans un abri de fortune – mue malgré lui en pourfendeur d’un régime corrompu ; la trajectoire n’est pas nouvelle. C’est dans l’insouciance et l’intégrité du personnage que Glory trouve son harmonie toute en étrangeté décalée, à mi-chemin entre drôlerie et virulence. La subtilité du film est de ne pas faire de son héros le porte-parole d’un milieu oppressé, mais le révélateur d’un dysfonctionnement social généralisé, d’un mal qui gangrène chaque tissu d’une nation où les puissants sont à la fois le modèle et le reflet du peuple : dans Glory, tout le monde est coupable – le héros lui-même ne pouvant se soustraire à cette logique, dans un final aussi cinglant que forcé. Si auparavant les cinéastes auront pris soin d’ouvrir dans ce tableau très noir un horizon potentiel – l’infect antagoniste féminin finissant par retrouver une conscience –, c’est pour mieux l’enterrer : au pays de la corruption et de la violence érigées en règles, il n’est décidément point de salut.