Le festival Vidéoformes est un événement clermontois existant depuis 1986 dédié à la création contemporaine, explorant les formes hybrides entre vidéo, cinéma et création numérique. Véritable observatoire de l’émergence du médium de la vidéo depuis ses débuts, Vidéoformes continue de suivre sa trajectoire à travers une sélection pointue de vidéos, accompagnée d’expositions et des performances. Afin de présenter plus amplement les enjeux de cette 40ème édition qui a eu lieu du 13 au 16 mars, nous avons pu nous entretenir avec son fondateur et directeur artistique, Gabriel Soucheyre.
Pourriez-vous d’abord nous expliquer l’origine et la volonté derrière le nom « Vidéoformes » attribué au festival ?
Gabriel Soucheyre : La vidéo est un outil récent sur le plan technologique, en pleine expansion. Ce titre suggère que la vidéo offre de nouvelles formes d’expressions, de langages et d’écritures.
Le terme « art vidéo » est devenu quelque peu obsolète depuis sa légitimation, et l’expression « nouveaux médias » se limitant à une approche axée sur les techniques dites « nouvelles », ne me semble pas totalement appropriée. Ainsi, j’aimerais savoir comment vous définiriez la vidéo aujourd’hui dans le contexte artistique contemporain.
L’art vidéo était méconnu en France et on a commencé à en voir au Centre Culturel Américain à Paris ; cela nous a nourri ainsi que beaucoup d’artistes français. Puis l’institution suprême, Beaubourg a commencé à montrer de la vidéo sous le terme de « nouveaux médias ». Mais il y a eu d’autres termes utilisés tel que celui de CD-ROM ou de Computer Art qui n’étaient pas de bons reflets de la réalité. C’est pourquoi aujourd’hui nous préférons parler d’art hybride.
Pourquoi revendiquez-vous en particulier la notion d’hybridité ?
C’est une notion essentielle pour nous car lorsque la vidéo est allée vers le numérique, elle a entraîné avec elle toutes les expressions artistiques conventionnelles telles que le théâtre, la danse ou encore la peinture.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la sélection effective de la compétition vidéo ?
Nous avons été fidèles à nos valeurs : nous voulons montrer au public clermontois les grands noms d’artistes dans les circuits internationaux et nationaux. En même temps, il nous semble important d’avoir un œil sur les nouvelles générations.
Diriez-vous qu’une thématique ou une influence domine l’ensemble de la sélection ? Si oui, laquelle ?
Ce qui ressort, c’est que l’art n’est pas un divertissement. C’est un engagement de la part des artistes sur des thèmes, des causes et des propositions qui sortent de l’ordinaire. Finalement, c’est un miroir polyphonique ; les vidéos sont des bouts d’images de nous-même qui nous sont renvoyées. À travers notre sélection de vidéos, nous pouvons interroger entre autres, nos rapports au vivant, au genre ou encore à l’écologie.
Enfin, le festival se déroule depuis ses débuts à Clermont-Ferrand, pourquoi avoir choisi particulièrement d’implanter l’événement dans cette ville ?
Clermont-Ferrand est une ville qui, depuis les années 70 a donné naissance à des manifestations importantes autour de l’image en mouvement. Il y a eu une étude à cette époque montrant qu’à Clermont-Ferrand la culture reposait sur l’engagement des citoyens et des associations. Depuis, les collectivités territoriales ont repris en charge la politique culturelle mais les citoyens sont toujours très présents et actifs. Mon point de départ se situe dans les activités du ciné-club universitaire à partir duquel des groupes se sont formés pour se tourner soit vers le cinéma ou vers la vidéo comme cela a été mon cas.
La vidéo, un art de son temps
Cette première journée sur le festival s’est terminée par quatre séances de projection de vidéos en compétition. Cette sélection nous a offert un panorama international de l’état actuel de la vidéo, de son évolution et des nouveaux outils qu’elle utilise. La vidéo est un art de son temps, un laboratoire exploitant les outils de mise en mouvement des images à sa disposition. En effet, beaucoup de vidéos ont été fabriquées avec des technologies récentes telles que l’Intelligence Artificielle avec Hush Now (2024), ou la prise de vues à l’intérieur de moteurs de jeux vidéo avec Limbus IV (2024) et KOMA (2024). La vidéo continue également ce qu’elle avait entamé à ses débuts en donnant au corps une place centrale et en réfléchissant à ces rapports de domination avec Will You Come With Me ? (2023) ou encore de représentation avec Autoportrait (2024).
Cependant, si nous devions nous attarder sur une œuvre en particulier, nous choisissons Textructuras (2024) de Luis Carlos Rodríguez. Conçue à l’aide de l’intelligence artificielle, cette vidéo explore un système de métamorphoses réinventant l’histoire de l’art. L’artiste a exploré les potentialités des outils numériques de l’IA, notamment ceux permettant d’améliorer les textures et les mouvements afin de donner naissance à une mue continue, un voyage inouï à travers l’image.
Ainsi, c’est avec des images plein la tête que s’achève cette première journée. Rendez-vous demain pour la dernière journée du festival, au cours de laquelle se poursuivra la compétition vidéo et sera dévoilé le palmarès.