Friedkin tente de se renouveler dans La Nurse et par conséquent renie tous les principes établis dans L’Exorciste. Formé au documentaire, il avait instauré dans ce dernier un style « réaliste » et direct, inscrivant le fantastique dans le quotidien, ce qui renforçait l’effroi des situations horrifiques, les exactions de Regan ayant traumatisé des générations de spectateurs. Là, Friedkin cinéaste de l’épure et de la narration efficace se perd dans une veine esthétisante qu’il ne maîtrise pas. Lorgnant vers le Paul Schrader de La Féline (pour l’ambiance érotique et cette tonalité léchée) ou le Neil Jordan de La Compagnie des loups (la tonalité de conte, les scènes oniriques en forêt), Friedkin se rate dans les grandes largeurs.
La cause est entendue dès la scène d’ouverture voulue mystérieuse, mais la musique datée, la photo bleutée d’une rare laideur (signée par le pourtant doué John H. Alonzo à l’œuvre sur le Scarface de De Palma) et les effets spéciaux ratés (les manifestations de l’arbre maléfique sont vraiment risibles) font perdre tout espoir pour la suite. Des fautes de goût indignes du réalisateur parsèment l’ensemble ainsi que des fautes techniques étonnantes (les faux raccords sont légion). Le montage particulièrement abrupt (même si on arrive à sérieusement s’ennuyer pendant la petite 1h28 que dure le film) laisse clairement à penser que le film a échappé à Friedkin, la faute à des producteurs peu satisfaits de la direction qu’il souhaitait emprunter. En l’état, les gros défauts signalés (ajoutés à une interprétation transparente dont l’ex-James Bond Girl Carey Lowell) ne laissent cependant pas croire au chef-d’œuvre maudit.
William Friedkin entamait là des années 90 bien tristes (le thriller érotique Jade…) avant de brillamment se relancer dans les années 2000.

La Nurse de William Friedkin – DVD édité par Bac Films – Sortie le 4 mai 2010.