
Les désarrois d’Elliot
Andrew Stegall, qui réalise ici son premier long métrage, opte pour une mise en scène qui se veut contemplative et poétique, de plans comme en tableaux d’images, qui glissent, au gré d’une luminosité d’été, d’arbres délicats ou de dîners partagés en tête à tête, au risque de créer à plusieurs reprises des plans un peu poseurs. Ainsi en est-il de cette scène où, Elliot, désœuvré, porte le bout d’un aspirateur à sa joue, créant un effet de ventouse, ou encore dans la répétition d’une disposition des acteurs dans le cadre assez surfaite et figée. Autant de choix esthétiques donnant au film une enveloppe maniérée, voire aseptisée, confirmée par le jeu plutôt faussé des acteurs (s’il on excepte Juliet Stevenson), en dépit de la place accordée aux bruissements des arbres et au flux d’une rivière aux abords du village. On sent les raisons narratives qui amènent cette réalisation : le développement du personnage d’Elliot, apprenti poète à ses heures qui se donne l’âme d’un romantique, une plume dans les cheveux, à la fois fragile et hautain, mal à l’aise vis-à-vis de son homosexualité. A rebours, son ami Clément est construit comme une présence masculine affirmée et abrupte.
Des contraires au bord de la caricature, un manque de personnalité
L’élaboration de cette interaction au cœur du film souffre d’être au bord de la caricature dans la caractérisation des deux personnages : rejet violent et affirmation de soi de Clément, transparence apprêtée d’Elliot. Le trouble que vient semer Béatrice dans cette amitié naissante laisse sceptique, tant il apparaît comme une péripétie vide de sens, un simple prétexte. En définitive, Departure souffre d’un manque de personnalité, s’en remettant à une succession d’effets, à des décors séduisants, parfois sensibles, mais qui ressemblent davantage à des amorces qu’à des idées… Une poésie latente du monde malheureusement réduite par les motifs et enjeux sans aspérité du récit.