Compliance est un film « cas de conscience », de ceux qui aiment appuyer là où ça fait mal et faire réagir. Parfaitement rodé et incisif, le deuxième long métrage de Craig Zobel a rempli son contrat à Sundance, où les sièges claquaient à la chaîne et où il aura fallu une séance de questions-réponses en fin de projection pour venir à bout de l’ire d’une certaine partie des spectateurs. Pourtant, Compliance est au final assez sobre, et semble plus déterminé à poser les questions inhérentes à son sujet qu’à jouer la provocation gratuite. Les questions, ce sont celles de l’obéissance aveugle à une instance supposément supérieure, de la non-remise en question de ses actes mais surtout une, lancinante : qu’aurait-on fait dans la même situation ? Car il s’avère rapidement que le coup de téléphone est un canular, et qu’on regarde désormais le film conscient de l’ignoble farce, là où ses protagonistes naviguent à vue.

Le film de Craig Zobel, s’il fonctionne en quasi huis clos, parvient à faire monter la tension crescendo, notamment grâce au montage parallèle de deux lieux : le fast-food où la situation escalade d’une part ; la maison de l’imposteur, qui dispense ses ordres à l’autre bout du fil tout en se préparant un sandwich d’autre part. Si Compliance n’est pas forcément aidé par la musique de Heather McIntosh, un brin trop appuyée, le développement du malaise est impeccablement saisi, surtout lorsqu’est filmée la remise du fast-food comme cellule de détention. En plans rapprochés, Zobel capte l’inconfort et l’incrédulité de Becky, victime dépassée par les évènéments qui finit par se soumettre aux injonctions de manière catatonique. Mais c’est le personnage de Sandra qui interpelle et qu’on a envie de suivre, citoyenne honnête dont les capacités ne dépassent jamais les limites de ses attributions professionnelles et persuadée jusqu’au bout de « bien faire ».
On craint un instant que Compliance ne soit une critique en règle de rednecks bêtes et méchants, manipulables à merci et aveuglés par le pouvoir, même feint. Sandra, par exemple, vient d’un milieu ouvrier, vit toujours avec son père la cinquantaine passée et son petit ami doit demander la permission de l’épouser. Sauf que, et un panneau final le rappelle, 70 cas similaires ont eu lieu à travers tous le pays, chaque fois avec des conséquences dramatiques. Pas de répudiation au final, Zobel met l’accent sur l’aspect humain d’une obéissance à la hiérarchie, surtout quand il s’agit de la police. D’autant plus que Becky se soumet volontairement, quoiqu’à contre-cœur, à ce qu’on lui demande de faire. Le film s’offre alors davantage comme une transposition en milieu réel de l’expérience de Milgram, réalisée au début des années 1960 par un psychologue américain qui cherchait à évaluer le degré d’obéissance d’un individu devant une autorité qu’il juge légitime. C’est à cette même prise de conscience que semble appeler Compliance : sa force vient de ce que le personnage Sandra, jamais détestable, comprenne la gravité des faits sans jamais douter avoir eu d’autre choix.