Cinq Tulipes rouges (1949; parution en Combo Blu-Ray/DVD chez Pathé le 16/10).

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Course contre la mort.

Tandis que se déroule le Tour de France, plusieurs assassinats sont commis parmi les coureurs. Chaque meurtre est signé par une fleur, une tulipe rouge, déposée près de la victime. La journaliste Colonelle et l’inspecteur Ricoul, conjuguant leurs efforts, démasquent l’assassin à l’arrivée au Parc des Princes.

Cinq Tulipes rouges, que Pathé nous présente dans une somptueuse version restaurée en 4K, fut tourné au cours de l’édition 1948 du Tour de France par Jean Stelli (1984-1975), réalisateur curieusement tombé dans l’oubli, malgré une trentaine de films à son actif, dans des genres variés et souvent réussis au niveau de leur mise en scène : la comédie (Les Amoureux de Marianne), le drame (Dernier Amour, Le Voile bleu, Sérénade au Bourreau), ou l’espionnage avec un cycle de films consacrés au Deuxième Bureau, sans oublier l’un de ses plus beaux films : Cité de l’Espérance, avec René Dary et l’inénarrable Jean Tissier. La majorité de l’œuvre cinématographique de celui qui fut acteur, avant de devenir l’assistant de Duvivier, puis metteur en scène et scénariste consiste en l’élaboration d’une trame se déroulant dans un contexte quasi-documentaire, tel ce long-métrage se déroulant dans l’univers d’une célèbre compétition sportive.

Cet aspect documentaire se trouve d’emblée aux premières minutes du film : une foule massée devant le siège du journal L’Equipe, les véhicules promotionnels qui suivront les coureurs, le départ donné à Paris, les différentes étapes dans les Pyrénées, les Alpes, en Normandie, à Briançon, en suisse, à Metz, tournées dans des conditions réelles et modernes sur les routes de France et d’ailleurs : la Nouvelle Vague n’était pas la première à filmer ses personnages en utilisant ces procédés. Ensuite, le long-métrage trouve ses autres qualités dans un mode réaliste où les luttes intestines pour obtenir le maillot jaune dans une même équipe, les repas et les haltes collectives dans les hôtels de province, le suivi des directeurs sportifs hélant leurs recrues afin de les exhorter à un dépassement de leurs limites morales et physiques, la sueur, les larmes, et la graisse des chaines constituent le quotidien bien huilé par le filmage de Stelli qui avait par ailleurs déjà réalisé un film dans cet univers (Pour le Maillot jaune, en 1940, avec Albert Préjean).

Outre le réalisme rondement édifié par Stelli, une autre force des Cinq Tulipes rouges provient de ses variations entre le polar et la comédie : certes, nous avons droit à une intrigue fondée sur les assassinats et autres tentatives d’homicides perpétrés sur les personnages, crimes commis par un mystérieux personnage disséminant ses tulipes, tel un serial killer digne d’un giallo, mais nous bénéficions également de moments bienvenus de pause dramatique avec des scènes drolatiques entre des couples ou quasiment tels, comme celui formé par les adorables Annette Poivre et Raymond Bussières (une ouvrière de l’imprimerie d’un grand quotidien mariée au mécano parigot), ou les formidables Susanne Dehelly et Jean Brochard (une journaliste de caractère surnommée « Colonelle », face à l’inspecteur Ricoul). Ces derniers nous rappellent des tandems d’acteurs dignes d’un Capra, d’un McCarey, ou d’un Hawks, notamment au cours de leur première rencontre dans une chambre d’hôtel que la « Colonelle » propose de partager avec le policier.

Autre atout de ce film : sa distribution. Un René Dary en grande forme dans le rôle du directeur des cyclistes de l’équipe française, un personnage tantôt rude, tantôt sensible; Annette Poivre et Raymond Bussières, attachants comme toujours, Susanne Dehelly, Jean Brochard, Robert Berri, Pierre Louis : un film d’équipe davantage qu’un film centré sur un protagoniste, un film en adéquation avec son contexte.

Jusqu’au final se déroulant au Parc des Princes, nous apprécions cette diversité qualitative rendue homogène par un scénario et des dialogues signés Charles Exbrayat (auteur que les lecteurs de la collection Le Masque connaissent via Imogène), une photographie et un montage de qualité.  Un film suranné, Cinq Tulipes rouges ? Peut-être, mais un charme et des valeurs d’un cinéma d’antan sans afféteries ou cahier des charges normatifs et manichéens. Un film de patrimoine, plus regardable que certains films datant de peu.

 

Cinq Tulipes rouges (1949), Combo DVD/Blu-ray Pathé paru le 16/10/2024.

En bonus du film N&B de 97 minutes (DTS‑HD Master Audio mono 2.0) :

• Version restaurée en 4K à partir du négatif original sous la supervision de Pathé et avec le soutien du CNC

• La Grande Boucle fait son cinéma : entretiens autour du film avec Benoît Heimermann, Matthieu Letourneux et Didier Griselain (45′)

• Le Tour de France 1948 en quatre Actualités Pathé d’époque.

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Durée : 93 mn


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