Si Daniel Wolfe se réclame de Bruno Dumont, on se demande bien ce qu’il a retenu de son mentor. Certainement pas l’amour de ses personnages : plats et caricaturaux, personne n’existe dans Catch me Daddy. Laïla et Aaron semblent être plus passionnés par la drogue et l’alcool que l’un par l’autre tandis que leurs poursuivants grognent plus qu’ils ne réfléchissent et soupirs quand l’un des leurs meurent (« Zaheer est mort » « T’es sérieux ? Oh Non … »). L’empathie est si faible, que lorsqu’à la moitié du film – entre deux coups de hache dans la tête – l’un des personnages principaux disparaît, c’est l’indifférence qui gagne. Wolfe se sert probablement du genre (ici le western) pour s’émanciper de toute exigence de complexité psychologique et narrative. Mais si Dumont utilise le genre, c’est pour mieux le détourner, le faire exploser et y libérer une puissance évocatrice. Chez Dumont le genre n’est qu’illusion (le film policier dans L’Humanité et P’tit Quinquin, le film d’horreur dans Twentynine Palms ou encore le film de guerre dans Flandres, …). Ici Wolfe ne dépasse jamais ce stade, son dispositif ne contient aucun détournement. Il se contente de reprendre basiquement le principe du western sans le questionner. Ainsi, le film reste embourbé dans une logique binaire de chasseur/chassé sans ampleur.

Dans les plaines grises, ternes, froides et austères du Yorkshire cette course poursuite effrénée à l’enjeu flou et douteux sombre rapidement dans un déchainement de violence sordide filmé avec une caméra tremblotante (comprenez « pour plus de réalisme »). Si ce soulèvement de violence indigne, c’est d’abord par sa profonde gratuité. Le film tissait pourtant dans sa première demi-heure une atmosphère mystérieuse et intrigante qui laissait entrevoir la possibilité d’un film plus subtil. Subitement, le film se transforme en un étalage de scènes plus fétides et repoussantes les unes des autres. Une spirale de violence qui s’achève dans une scène finale aux confins du pathétique forçant la moquerie. Profondément indigeste, Catch me Daddy rappel par-là l’hideux The Tribe, qui de la même manière tombait dans l’ultra violence gratuite et faisait de l’humanité un zoo humain sans la moindre trace de sensibilité quelconque. Un attrait du morbide dicté par une quête : celle du fameux tampon label « Film Choc » qui promet à tous ses heureux détenteurs un succès en festival (le film était sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2014) et une moisson généreuse de récompenses en tout genre. Espérons cette fois-ci que l’illusion restera vaine.