Anatomie du cinéma, « à celles et ceux qui entretiennent la flamme »

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Conseils à ceux qui aiment le cinéma et qui veulent (peut-être) en faire, par Frédéric Sojcher

Professeur à Paris I Panthéon-Sorbonne

Voici le nouveau livre de Frédéric Scotcher qu’on ne présente plus ici. Il est cinéaste mais aussi professeur à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Il y dirige le master « Scénario, Réalisation, Production ». Son cinquième long-métrage, sorti il y a deux ans, Le cours de la vie, est un film magistral et émouvant qui, déjà, traitait du cinéma à travers les retrouvailles entre le directeur d’une école de cinéma de Toulouse et une scénariste venue y animer une master-class et qui fut le grand amour de sa vie. C’est dire que pour son quinzième ouvrage, personne d’autre que lui ne pouvait prendre la plume aussi bien pour écrire cet ensemble qu’il présente dans son titre comme une sorte de manuel, à l’usage des étudiants de France et de Belgique, son pays d’origine. Mais, en réalité, il s’agit de bien plus que cela. Avec une grande sagacité, et une belle intelligence de ce monde, doublées d’un solide sens de l’humour, l’auteur parvient à ne rien oublier de tout ce qui constitue cette jungle où même les habitués ont du mal à se retrouver. Et il n’oublie rien, ni de sa propre vie, ni les vacheries du centre du cinéma belge, ni ses expériences de cinéma personnelles notamment celle où un comédien a voulu le spolier de son film, Regarde-moi en 2000, jusqu’à la réalisation en seulement quinze jours et très peu de budget du Cours de la vie en 2023. Il revient sur tout cela tout en étant précis aussi sur les moindres recoins de ce qu’il faut savoir avant de faire du cinéma, que ce soit les budgets, les chausse-trapes, les plaisirs et les jours (de festivals…).

Entre vie professionnelle et vie personnelle

Mêlant expérience personnelle, vie privée puisqu’il rend un hommage appuyé à Dina Neves qui fut costumière sur son dernier film et qui partage aussi sa vie, et hommage aussi en page finale à tous ceux et celles dont l’avis lui importe, Frédéric Sojcher ne fait pas seulement œuvre de conseiller ou de professeur, il se pose en honnête homme du XXIe qui en manque cruellement et donne une leçon à la fois sur le métier et sur la vie. On se dit que ses étudiants ont bien de la chance de l’avoir comme professeur d’autant qu’il commence son livre en faisant fi de toute certitude, un peu à la manière de Socrate. Et il n’oublie aucune rubrique, commençant par une entrée en matière qui est tout un programme : « le cinéma c’est plus que le cinéma », en passant ensuite par l’invention du cinéma sur laquelle il est toujours bon de revenir, la réalisation et les enjeux du cinéma, en évoquant la situation particulière de la France et, en contrepoint, la suprématie mondiale des États-Unis. Mais aussi la cinéphilie, l’écriture du scénario qui lui tient particulièrement à cœur, la technique, le son et la musique surtout la générosité de Vladimir Cosma, mais aussi les festivals et la critique sur laquelle il peut avoir soit la dent dure, soit une sorte de reconnaissance sincère, notamment envers le grand Bertrand Tavernier.

Que dire aux étudiants sur les métiers du cinéma

Il n’oublie ni le point de vue, ni les plateformes actuelles de distribution de films, ni les séries, ce nouveau dada pas si éloigné des feuilletons du XIXe, pas plus que les conseils aux débutants, ni même ses aventures au cœur du cinéma belge dont il n’est pas revenu aigri et pourtant… Ni bien sûr le wokisme et le meetoïsme des actuels étudiants avec lesquels il a pu un peu guerroyer avec beaucoup de courage et de dignité. Et sa place en tant que professeur et en tant que cinéaste, cette double casquette qu’il revendique car elle est, selon lui, nécessaire. J’ai dû oublier pas mal de détails, mais il faut lire ce livre que vous soyez lycéens en vue du bac cinéma, étudiants, parents d’élèves, scénaristes débutants, réalisateurs, attachés de presse, producteurs, acteurs, stars ou simplement cinéphiles. Personne n’est oublié, ni aucun métier du cinéma. À la fois humble, déterminé, et pas décidé à se laisser faire depuis le traumatisme de son viol lorsqu’il était enfant, et de rapt de direction de film lorsqu’il était réalisateur débutant. À Frédéric Sojcher conviendrait parfaitement la devise nietzschéenne : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » et son livre se termine par sa préoccupation majeure, l’amour et le goût de la transmission. Qu’on en juge : « C’est grâce à toi Dina que je sais à quel point personne n’a à se sentir supérieur à quiconque. Dans la vie comme au cinéma. Les étudiants sont-ils prêts à participer à la foire d’empoigne du 7e Art ? Comment leur faire prendre conscience de ce qui les attend, sans les effrayer, ni les décourager ? Ce qu’il faut savoir avant de se lancer ? Tenir. » Frédéric Sojcher avait déjà accordé un long entretien à iletaitunefoislecinema.com. Pour le relire, cliquez ici !

Frédéric Sojcher. Anatomie du cinéma. Ce qu’il faut savoir avant de se lancer. Nouveau Monde Éditions, Paris, avril 2025. 280 p. 24,90 euros.

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