
« Au fait », c’est ce qui ressemble encore le plus à ce qui pourrait servir de transition entre les scènes pour le moins disparates d’American Hero. Film-agrégat, il passe à de multiples reprises du coq à l’âne sans jamais réellement le justifier et sans jamais choisir entre le coq ou l’âne : buddy movie centré sur Melvin et son sidekick à roulettes, film de super-héros mâtiné d’œil du tigre, documentaire sur la Nouvelle-Orléans post ouragan Katrina et/ou film social sur la vie de marginaux américains. Parfois tout se mélange mais la plupart du temps tout se juxtapose : dans les cas, rien ne se tient tout à fait, et la cohérence du propos ne cesse de s’échapper. Pourtant le spectateur, placé au cœur de l’action, colle aux basques des personnages, puisque le réalisateur opte pour une esthétique de type reportage. Embarquée dans les soirées, au plus près des strings et des rails de cocaïne, la caméra tremble, se fait bousculer, recueille des témoignages ou des apartés sans qu’à aucun moment on ne puisse savoir qui peut bien la tenir et surtout pourquoi. Melvin ne cesse de s’adresser face caméra à ce mystérieux inconnu sans avis ni point de vue, ce qui laisse penser que le dispositif est une simple coquetterie de réalisateur, que rien ne motive sinon le côté cool ou arty. Un peu comme Melvin d’ailleurs, dont les mouvements sont tout aussi instables.
Suite à une prise de conscience proche de l’illumination, Melvin comprend enfin cette logique héroïque qui veut que de grands pouvoirs entraînent de grandes responsabilités, et adopte le mode de vie « un esprit sain dans un corps saint ». Preuve s’il en fallait que les personnages soi-disant trash ne rêvent souvent que de normalité et de métro/boulot/dodo. Et puis très vite, la motivation s’enfuit comme elle était venue et voilà le film reparti à zéro, comme si tout recommençait à nouveau. Pour trouver une résolution vite fait pas très bien fait. L’ensemble en devient frustrant, tant les personnages attachants semblent livrés à eux-mêmes, dérivant au gré du film, seulement sauvés par leur sens de la répartie et de l’humour. Faut-il prendre le titre du film au second degré (voilà le héros Américain c’est-à-dire le junkie irresponsable mais sympa) ou au premier (en Amérique les junkies peuvent devenir des héros du quotidien grâce à leur volonté). Nick Love nous offre une balade à vélo, en voiture, à pieds dans la Nouvelle-Orléans, ce qui est par ailleurs très dépaysant, mais si on pouvait en plus comprendre de quoi voulait parler le film ce serait encore mieux. Assiste-t-on à une version indé de Jackass ou à une version Jackass d’un film indé ? Difficile de répondre.