Un été brûlant

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L’admiration pour l´oeuvre de Philippe Garrel n’y peut rien : « Un été brûlant » est un ratage total.

Tristesse de constater, au visionnage de cet Été brûlant, que rien décidément ne sauvera in extremis le dernier Garrel de la vacuité. Peu de choses en effet interpellent vraiment dans ce nouvel opus, dont le seul événement – outre l’emploi de La Bellucci – serait à la rigueur le retour du cinéaste à la couleur, douze ans après Le Vent de la nuit.

Après le coup d’éclat que fut en 2005 Les Amants réguliers, film qui confirmait chez Garrel une pleine santé, par son aptitude à reconstituer avec fougue les affrontements de mai 68, puis à tenir la distance d’une chronique post-adolescente de près de trois heures (marquant par ailleurs le début de sa collaboration « adulte » avec son propre fils), le mésestimé La Frontière de l’aube (2008) pouvait déjà, par sa forme brève, le caractère très littéral de ses scènes et dialogues, laisser craindre pour la suite une progressive perte de substance. Le film était très beau, très « garrelien » dans son art de suivre toutes les étapes d’une dépendance amoureuse poussant une jeunesse éclatante à sa chute, mais déjà, pouvait ça et là interpeller quelque schématisme dans la structure du scénario, une routine dans le dessin du désenchantement n’empêchant heureusement pas d’admirer les compositions de son trio vedette (Garrel fils, donc, mais aussi les nouvelles muses Laura Smet et Clémentine Poidatz).

Freddie en surchauffe

Que sauver ou retenir alors de cet Été brûlant, sinon l’embarrassante platitude de dialogues que la seule affiliation à l’Œuvre ne pourrait raisonnablement justifier. C’est bien simple : trouver du génie dans les répliques que s’échange le couple Frédéric-Angèle (Garrel-Bellucci) lors de ses scènes de ménage équivaudrait logiquement à cautionner les mêmes carences chez d’autres. Rien de cette vague histoire de jalousie d’un jeune peintre voyant peu à peu sa femme (actrice…) lui échapper n’incite jamais à entendre davantage que ce qui est dit. Tout s’énonce trop bien, le début de soupçon de l’un au vu de l’excès de légèreté de l’autre, le danger pour le couple d’amis séjournant chez eux de subir leur funeste influence, la fatalité qui rôde (celle parcourant, il est vrai, l’entièreté de l’Œuvre, mais qui, articulée à un scénario aussi cousu de fil blanc, finit par perdre tout potentiel tragique)…

Le désamour dont ce Garrel fit l’objet lors de sa présentation à la dernière Mostra de Venise – qui comme on sait couronna déjà deux fois le cinéaste d’un lion d’argent, là où Cannes accueillait pour la première fois l’un de ses films en compétition en 2008 – conforterait presque alors ce sentiment de rendez-vous manqué. Tout permettait sur le papier d’envisager un nouveau souffle, une table rase (emploi forcément intriguant d’une actrice aussi « populaire » que Monica Bellucci, titre annonciateur d’une aventure peut-être plus hot que prévu, retour donc à la couleur…). Rien, face à l’écran, ne donne finalement envie de chercher plus de profondeur ou de complexité qu’il n’y paraît. Après le consternant Impardonnables d’André Téchiné, navet d’auteur de l’été, Un été brûlant est donc en lice pour le titre de navet d’auteur de l’automne. Méchanceté ? Presque… si ces honneurs n’étaient à la hauteur de nos déceptions.

Angie l’allumeuse

Une chose, cependant, fait malgré tout d’Un été brûlant un film clé dans l’admirable filmographie de son signataire : il s’agit de son ultime collaboration avec son père, Maurice Garrel, décédé en juin dernier. Son personnage – celui du grand père disparu de Frédéric – illumine l’une des ultimes scènes du film par l’évocation de son passé de résistant. En quelques instants, le patriarche marque une fois encore la scène de sa présence modeste, ses mots résonnant désormais comme un émouvant salut par le cinéma. Joli moment ne suffisant pas à masquer le ratage total de ce qui est un peu le film de l’impasse, pour le grand cinéaste que reste néanmoins Philippe Garrel.

Titre original : Un été brûlant

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Durée : 105 mn


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