Twixt

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« We’re all has beens… » affirma le réalisateur du « Parrain » lors de l’avant-première du film.

Cinéaste caméléon issu de la génération des « movie brats » des années 70 (Martin Scorsese, Brian de Palma, John Milius, George Lucas, Steven Spielberg…), Francis Ford Coppola s’est attelé dans sa filmographie à quasiment tous les genres cinématographiques, le film de guerre (Apocalypse Now en 1979), le film de gangster (Le Parrain en 1974, Cotton Club en 1984), la comédie musicale (Coup de cœur en 1982) ou encore le film fantastique. Ayant débuté sa carrière dans l’écurie Roger Corman avec Dementia 13 (1962), le cinéaste enchaîna de nombreuses années plus tard avec l’un de ses plus gros succès artistiques et commerciaux, son adaptation du Dracula (1992) de Bram Stocker. Vingt ans après, le cinéaste revient pour un nouveau film de vampires, Twixt.

Hall Baltimore (Val Kilmer), écrivain « has been » de romans horrifiques est de passage dans une petite ville américaine afin de promouvoir son dernier roman. Il fait la rencontre du sheriff de la ville, Bobby Lagrange (Bruce Dern), qui lui propose d’écrire un livre à partir du meurtre mystérieux d’une adolescente locale.

Suite à un accueil plutôt frileux au festival de Gérardmer (sans aucun jeu de mot…), on était en droit de douter de la pente encourageante que remontait Coppola suite à L’Homme sans âge (2007), fascinant bien qu’assez opaque par moments, et un Tetro (2009) magistral pouvant se ranger auprès de ses plus grandes œuvres et marquant le grand retour du cinéaste après une dizaine d’années d’absence. Malgré cela le résultat, bien qu’inégal et parsemé de défauts, fait preuve de nombreuses qualités, à commencer par le sujet et les ambitions mêmes du métrage : signer un film à la fois personnel et expérimental sur le temps et la création au sein d’un film de genre où les divers codes et conventions doivent être respectés. Mise en abyme sur l’écriture scénaristique et le travail de cinéaste (à l’instar de Barton Fink des frères Coen en 1991), le film pourrait presque venir clore une trilogie sur le temps et la création entamée par L’Homme sans âge et Tetro. Démarrant le film sur une succession de plans du décor où se déroule les évènements, le cinéaste fait appel à Tom Waits (déjà présent dans Dracula) en narrateur voix-off pour ouvrir le récit tel un roman de gare avant d’introduire le personnage principal interprété par Val Kilmer, parfait en écrivain raté alcoolique. On notera par ailleurs deux superbes séquences dont celle où Hall Baltimore entame l’écriture de son nouvel ouvrage devant son ordinateur ainsi que la conversation avec le personnage fantasmé de Edgar Allan Poe lui expliquant les tenants et aboutissants d’une bonne histoire lors d’un rêve. Également au casting, Elle Fanning (Super 8) dans le rôle de l’adolescente, Bruce Dern dans celui du sheriff ainsi que Ben Chaplin dans le rôle de Edgar Poe.

 

Fidèle à lui-même, Coppola fait preuve d’une mise en scène sobre, carrée et peu démonstrative (quasiment aucun mouvement de caméra ou travelling) hormis lors des séquences de rêve, qui usent et abusent d’images filmées au ralenti ainsi que l’utilisation de couleurs isolées au sein d’images froides et désaturées à la manière de Rusty James (1983) ou encore Tetro (rhaa, ces citrons éparpillés sur la table…). En somme, une réalisation maîtrisée et rigoureuse où comme à son habitude le cinéaste favorise les plans longs et cadres débullés en contre-plongée de manière à coller au genre abordé. On louera par ailleurs l’initiative du metteur en scène de s’ouvrir aux nouvelles technologies 3D, bien que celui-ci ne s’en serve pour deux séquences uniquement, considérant le procédé peu bénéfique pour le film dans son intégralité. Hormis la maladresse de l’annonce visuelle du relief lors des scènes en question (une immense paire de lunettes qui apparaissent en surimpression sur l’image !), on appréciera son utilisation lors de ces moments forts : Val Kilmer explorant la tour de la chapelle de nuit à la recherche d’indices nous renvoyant au Vertigo (1958) d’Hitchcock ainsi que le climax du film se déroulant dans la morgue du commissariat.

On retrouve au générique les collaborateurs habituels de Coppola à commencer par Mihai Malaimare Jr. à l’image et Osvaldo Golijov à la musique. Seul Walter Murch, binôme créatif de Coppola depuis plus d’une vingtaine d’années, n’est étrangement pas présent au générique, malgré un travail de montage sonore et visuel plus qu’impressionnant par moments. Au final, notre plus grand regret provient du scénario du film, assez décousu et disparate, pour ne pas évoquer un final plus que bâclé et laissant un arrière-goût d’inachevé. Cela dit, c’est le sujet même du film : la panne de l’écrivain ou, en d’autres mots, l’impuissance créative.

Certes inégal et sans doute pas à la hauteur de ses plus grands films Twixt a en tout cas le mérite de soulever des questionnements intéressants tout en nous gratifiant de plusieurs grands et beaux moments de cinéma dont Coppola a le secret. To be continued…
 

Titre original : Twixt

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Durée : 89 mn


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