Toy Story 3

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Tout ça pour ça. De retour après plus de dix ans d´absence, les jouets tant aimés déçoivent. Poursuivant la lignée des demi-succès artistiques, Pixar signe un troisième << Toy Story >> plaisant, mais au scénario sans relief.

En quinze ans, le monde a changé. Les enfants ont grandi, la technique a évolué et l’animation est devenue une valeur sûre qui draine bien plus que le traditionnel public familial auquel elle était cantonnée avant. Avant quoi ? Et bien avant Pixar en grande partie. Il faut reconnaître qu’en quinze ans, le studio a considérablement redynamisé et renouvelé le genre, entraînant dans son sillage d’autres productions. On voit aujourd’hui le nombre d’animations exploser aux quatre coins du monde. Mais que s’est-il donc passé il y a quinze ans ? En 1995 déboulait sur les écrans Toy Story de John Lasseter, premier film entièrement réalisé en images de synthèse et aussi premier d’une longue série de succès pour le tandem Pixar/Disney. Après un deuxième épisode encore meilleur selon l’avis général (Toy Story 2 en 1999), nous attendions avidement la suite des aventures de Woody, Buzz et des autres. Toy Story 3 joue de cette attente pour organiser des retrouvailles en grandes pompes dans une première séquence où chacun des jouets-héros aura sa minute de gloire, justifiant un instant le port toujours aussi désagréable des lourdes lunettes 3D. Car oui, Toy Story 3 s’offre en trois dimensions, la vraie, la grande, pas seulement la seule adaptation d’un film 2D en produit 3D comme jadis. Est-ce bien utile ?
Les premiers spectateurs de Pixar ont grandi. Il est donc logique que les personnages fassent de même. Le jeune Andy, propriétaire de notre coffre à jouets préféré, a désormais 17 ans, le permis et s’apprête à partir à la fac (ça ne nous rajeunit pas!). Lors d’un nettoyage de printemps forcé dans sa chambre (les parents, tous les mêmes !), une question se pose : que faire des jouets ? Les garder, les jeter ? Andy est coincé entre la volonté de se séparer définitivement de son enfance et le besoin de s’y rattacher encore. Et les jouets ? Ils vivent dans l’angoisse permanente. Vont-ils finir à la fac? au grenier? à la crèche? dans la trempette ?
Malgré un scénario qui tient la route, Toy Story 3 déçoit. Inévitable ? Non, il confirme seulement une baisse de qualité chez Pixar (depuis Cars, Wall-E excepté), qui autrefois ponctuelle s’apparente désormais à une exigence moindre. Alors oui certains passages sont drôles, d’autres émouvants, on est ravi de retrouver nos compagnons de plastique et de tissu. La représentation des enfants bruyants, bavant et puant n’est pas dénuée de saveur. Mais l’enthousiasme général n’est plus là. Le film excelle dans le détail (une scène, une réplique, une idée bien placée), moins pour l’ensemble. Les personnages secondaires sont moins réussis qu’à l’accoutumée. Ken et Barbie (respectivement Benoît Magimel et Frédérique Bel en français) ne sont pas au niveau de la géniale Barbie hôtesse du 2, l’ours grognon est un complaisant cliché et le clown triste (Grand Corps Malade, comme c’est original !) gentiment à sa place. Seuls tirent leur épingle du jeu un sosie de Dora l’exploratrice sous amphétamines et surtout les jolies apparitions d’une peluche Totoro, plaisant clin d’œil à la concurrence (dont Disney possède les droits de distribution hors Asie). Plutôt que de les déjouer comme auparavant, on n’hésite plus à se permettre certaines facilités scénaristiques de la concurrence. On assiste ainsi à un défilé du langage de l’animation 2000 comme la scène de danse exotique ou un humour plus gras. Le film adopte ce ton fashion et référencé propre à l’esprit de la décennie. Pire certaines séquences ont un goût de déjà-vu à peine subverti par le scénario (l’évasion, la fuite, le flashback sur l’enfance…) et d’autres semblent quasi construites autour de leur probable exploitation sous forme de jeu vidéo. Le final est en soi un parfait support pour jeu de plate-forme. La frontière entre le film et son produit dérivé s’amincit de plus en plus (voir à ce sujet notre article sur le jeu vidéo au cinéma).
Et rayon 3D dans tout ça ? Pas grand-chose. Elle s’insère bien dans le film. Il n’y a pas d’aussi grands décrochages, de scènes conçues comme un seul plaisir de la vision qu’on peut reprocher à de nombreuses productions 3D (le Alice de Burton notamment). Mais à de rares exceptions près, on ne peut pas dire qu’elle présente un quelconque intérêt pour Toy Story 3. L’image joue du trompe-l’œil et de la figure repoussoir comme sur les plafonds peints de la fin de la Renaissance et du début du XVIIe siècle. Elle vient continuellement taper du pied contre l’écran pour nous faire observer sa profondeur. L’image est conçue en plan successifs étagés (personnage au premier plan, rangée de personnages au deuxième et décor au fond) ou par le geste dynamique vers l’écran. Les personnages semblent ainsi nous faire d’interminables signes de la main, vantant les mérites de la technique et son exemplaire réussite. A ce stade, la 3D n’apparaît guère mieux qu’un gadget pour appâter le chaland. Tout à fait dispensable.
Malgré tout, le spectacle Toy Story 3 n’est pas désagréable. On est loin de la bouffonnerie d’un certain géant vert (Shrek 4) ou autres productions à l’ambition parfois si maigrement cinématographique. Pixar assure et assume un divertissement de qualité. On a toujours affaire au haut du panier des blockbusters animés. Si la déception est de taille, c’est qu’on attend bien plus de la part des créateurs de Monstres & Cie, du Monde de Nemo ou des Indestructibles pour ne citer que quelques-unes de leurs réussites. Ce qu’on espère, c’est un film de la qualité exceptionnelle de Jour et nuit, le court-métrage présenté avant Toy Story 3. Si les courts-métrages Pixar se distinguent toujours par leur finesse et leur qualité, le petit dernier est une merveille dans lequel la 3D prend véritablement tout son sens. Sur l’écran noir se détachent deux personnages aux formes rondes. Leur corps est un paysage qui défile lorsqu’ils se déplacent. Si le laïus édifiant est superflu (mais brillamment intégré), le film est d’une incroyable beauté et mérite à lui seul l’achat d’un billet et le surcoût des lunettes 3D. Jour et nuit rassure sur les capacités d’inventivité de la maison Pixar. Ne reste plus qu’à les appliquer à nouveau aux futurs longs métrages.

 

Titre original : Toy Story 3

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Durée : 100 mn


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