The Prodigies

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Adaptation animée très inégale d’un classique de la littérature des années 80.

Les aficionados du roman de Bernard Lenteric La Nuit des enfants rois risquent quelque peu de perdre pied face à cette adaptation par Antoine Charreyron (créateur de quelques cinématiques de jeux vidéo marquantes, et réalisateur de seconde équipe sur le dernier Kassovitz, Babylon A.D.). Si celle-ci comporte quelques partis pris intéressants, elle cède néanmoins trop souvent à des facilités de mise en scène ainsi qu’à un certain conformisme totalement absents du texte d’origine, ce qui laisse au final un sentiment d’inachevé. Un relatif échec dont il convient néanmoins de souligner certains mérites.

Le texte de Lenteric est un pur produit de son époque. Publié en 1982, ce thriller mâtiné de SF cristallise efficacement les inquiétudes alors projetées dans une bonne part de la fiction : installation d’un climat dépressif généralisé, robotisation de l’être humain, perte de confiance dans le progrès, sacrifice de l’enfance au nom de la bonne marche du monde… Hanté par la présence maléfique de sept silhouettes mystérieuses, ados surdoués mal dans leur peau réunis par une fondation dans le cadre d’un programme et violemment agressés la nuit de leur première rencontre, il montre dans leur vengeance meurtrière et leurs projets d’apocalypse le basculement de la haine de soi à celle du monde. Une figure torturée pour y faire barrage : celle de Jimbo Farrar, jeune adulte, informaticien brillant, également surdoué. Parfois disgracieux, souvent fulgurant, gorgé d’ellipses, le texte fait tenir en moins de trois cents pages un récit se déployant sur plusieurs années et fait parfois preuve d’une crudité dans les descriptions qui en fait un objet peu évident à définir et difficilement adaptable dans le contexte actuel.

L’action est ici condensée sur une période très courte. Récupérant ses surdoués (qui ne sont plus sept mais cinq) directement à l’adolescence, Antoine Charreyron fait disparaître toute la partie du roman consacrée à leur découverte à l’âge de quatre ans et aux voyages annuels effectués par Jimbo pour observer leur évolution. Difficile du coup de croire vraiment à l’obsession de l’informaticien pour ces enfants que l’on voyait vraiment prendre forme et s’installer dans le roman, ici donnée d’emblée comme évidente sans être suffisamment construite. La faute à un manque de place ? Difficile à croire. Le film ajoute en veux-tu, en voilà des scènes absentes du texte. Et s’il reconfigure en partie les profils de ses personnages afin d’être cohérent avec ses partis pris scénaristiques, il choisit également d’accorder une place très importante aux scènes d’action qu’il étire beaucoup trop. Choix malencontreux qui fait perdre de la force aux enjeux et conduit à un climax très "Jack Bauer" complètement absurde. La remise au goût du jour de l’histoire avec cette idée de faire participer les surdoués à un jeu télévisé sonne par ailleurs assez faux – on se croirait dans une série animée pour enfants, la spontanéité en moins. Le tout donne le sentiment de se trouver là face un nouvel exemple de cette part du cinéma français qui, cherchant à adopter une attitude décomplexée vis-à-vis des productions américaines, arrive finalement au résultat inverse. Bref, tout ça n’est vraiment pas terrible. Et pourtant, le film parvient par moments à offrir un autre visage, montre qu’il a des idées, donne à voir quelque chose d’un peu plus original qui suffit à lui accorder de la valeur.

C’est dans l’utilisation de l’animation que prennent forme les propositions les plus intéressantes, qui permettent un véritable travail de transcription du texte à l’image. Les moments au cours desquels les surdoués éprouvent les émotions les plus intenses sont ainsi traduits visuellement par un effacement du décor et une déformation des corps qui prennent alors une apparence monstrueuse. Cette idée finalement assez simple permet de traiter des moments de grande violence en faisant appel à une expressivité salvatrice qui fait défaut dans le reste du film. La scène d’agression et de viol suivant la rencontre des surdoués, particulièrement marquante dans le texte, alors visuel et très direct, est ici d’une âpreté qui brutalise l’image elle-même, fait imploser le cadre et laisse libre court à une expression graphique qu’on aurait aimé plus présente. Car ces moments-là sont la preuve d’une sincérité de cinéaste bien plus précieuse que tous les attraits dispensables dont le film se pare, comme pour se protéger de ses débordements.
 
 

Titre original : The Prodigies

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Durée : 87 mn


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