Sunshine

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Sunshine ressemble à un fantasme de môme : se perdre dans une galaxie infinie pour atteindre le soleil et, pourquoi pas, si la magie du cinéma opère, le toucher au plus près. Nul doute possible : Danny Boyle détient un sujet riche en promesses pour tenir en haleine même ceux qui sont d´ordinaire rétifs à […]

Sunshine ressemble à un fantasme de môme : se perdre dans une galaxie infinie pour atteindre le soleil et, pourquoi pas, si la magie du cinéma opère, le toucher au plus près. Nul doute possible : Danny Boyle détient un sujet riche en promesses pour tenir en haleine même ceux qui sont d´ordinaire rétifs à la science-fiction. C´est d´autant plus fascinant qu´on pourrait presque regarder le film uniquement pour ses impressionnants effets spéciaux et ses astronautes perdus dans l´espace qui enfilent des combinaisons dorées à faire pâlir de jalousie les Daft Punk. Pourtant, sans savoir réellement pourquoi, les premières images de Sunshine, projet ambitieux, laissent supposer le pire dans le registre de la science-fiction à la sauce teenager, << overdosée >> de tubes pour petits clous et flanquée de jeunes astronautes qui donnent plus l´impression de former un boy´s band que de véritables pros en astronomie. Heureusement, les craintes sont évacuées dès que Boyle entre dans le vif de son sujet, sans chercher à jouer au plus roublard.

En simulant les codes pour mieux prendre au dépourvu, Danny Boyle fuit en réalité comme la peste les conventions du genre pour traiter frontalement son sujet (une apocalypse imminente qui menace la planète bleue, en écho contemporain aux inquiétudes écologiques qui inquiètent le monde) et travailler sa substance en caractérisant des personnages qui doivent combattre leurs différences – et peut-être leurs démons intérieurs – pour mener une mission universelle : sauver le monde et, surtout, rallumer le soleil.

On dit Danny Boyle opportuniste, il est surtout futé et éclectique dans ses choix. Il fallait de l´audace et du talent pour remonter la pente raide de La Plage et renouveler le film de zombies en filmant en DV un Londres post-apocalyptique (28 jours plus tard) avant de laisser sa suite à un autre réalisateur pour voler vers d´autres horizons. La redondance, il ne connaît pas ! Nonobstant, dans le scénario écrit par son acolyte Alex Garland, on distingue quelques unes de ses figures stylistiques favorites, comme celle qui consiste à introduire un élément perturbateur dans un groupe solidement constitué, ou de scruter dans le mental de jeunes gens qui perdent progressivement la raison (se souvenir des dérives de Christopher Eccleston dans Petits meurtres entre amis, de Léonardo Di Caprio dans La plage ou encore de la passivité torve de Cillian Murphy dans 28 jours plus tard). On retrouve cette même bifurcation scénaristique avec une surprise qui surgit dans le dernier tiers du film symbolisant le combat entre un homme et peut-être un envoyé de Dieu méphitique. Une manière comme une autre de rappeler la rengaine Sartrienne d´un auteur qui jette un regard pessimiste sur les rapports humains.

La vraie question que pose Sunshine est de savoir si l´humanité mérite d´être sauvée. Sa réponse est filmée à hauteur d´êtres humains imparfaits. Point barre. Certes, on n´écrit pas Sunshine comme on rédige une thèse de troisième cycle, et d´aucuns pourront se gausser de son propos simpliste. Encore certes, on n´atteint pas les sphères métaphysiques du 2001 de Kubrick auquel Boyle lance quelques clins d´yeux visibles à l´oeil nu. Mais, en tout point, les ramifications méritent mieux que ces réductions. En incluant des membres mixtes dans le vaisseau, Boyle sous-tend l´idée selon laquelle les femmes amènent la douceur et la réflexion dont les hommes sont dépourvues. L´autre idée qui parcourt le film serait qu´avec plus d´organisation et de solidarité, les catastrophes auraient pu être évitées. L´entrée dans l´ancien vaisseau disparu il y a sept ans est plus mémorable pour la tension qu´elle génère que l´enseignement qu´on en retient (la nature a supplanté l´homme). Afin que l´effet soit marquant, Boyle a recours à des images presque subliminales de photos des anciens astronautes, dont le visage euphorique prend tout l´écran afin de créer un contrepoids avec l´atmosphère mortifère. C´est là où Boyle est fort, il construit son film de science-fiction comme un authentique film d´horreur. La simple vision subreptice de ces photos crée plus d´angoisse par le décalage provoqué que par la simple possibilité qu´une menace rode. Ailleurs, des mouvements de caméra et des jeux sur les flashes accentuent la dimension paranoïaque.

C´est dans l´atmosphère que réside la force du film et moins sa trame scénaristique, éminemment classique, où une équipe confrontée à des choix cornéliens (doit-on sacrifier l´un d´entre nous pour récupérer de l´oxygène?) dont les résolutions ne sont pas heureuses et souvent sanguinolentes. La bande-son du trio Karl Hyde, John Murphy et Rick Smith, qui n´enfile pas les morceaux pop tendance, se montre plus atmosphérique digne du travail de Clint Mansell sur les films de Darren Aronofsky, et colle délicatement au sujet, appuyant incidemment la maturité d´un réalisateur qui en a marre de coller à son image de poseur adepte de la belle image lisse. Millions, son précédent opus, n´était qu´un exercice de commande anodin qui démontrait que Boyle était capable de transformer un script dégoulinant de bonnes intentions et de pathos pleurnichard en objet formel stimulant. Dans Sunshine, c´est plus équitable : l´auteur de Trainspotting excelle à concilier à la fois les zones intimistes (le voyage vers le soleil se mue progressivement en plongées introspectives) sans tomber dans le psychologisme et les séquences spectaculaires (tout ce qui se déroule dans l´espace témoigne d´une gestion de l´espace et d´une efficacité des effets hallucinantes) sans s´abîmer dans la surenchère pyrotechnique.

Si, vers la fin, les tentations de survival spatial s´avèrent moins convaincantes quoique rudement efficaces, toutes les réserves émises (parce qu´on est méchant) demeurent des poussières d´étoiles. Avouons le principal : la splendeur visuelle, indispensable à tout bon film de science-fiction qui se respecte, ridiculise toute concurrence et assure un divertissement de luxe. Il n´est pas si fréquent que nerfs et mirettes s´amusent autant en regardant un objet nourri de vrais grands moments de cinéma qui, dans la disette actuelle, font délicieusement tâche. Donc joie.

Titre original : Sunshine

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Durée : 80 mn


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