Submarino

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Le réalisateur de « Festen » renoue avec la chronique familiale dans une tragédie désarmante et brillante, tout en clair-obscur, qui laisse le spectateur K.-O.

On croirait voir un conte d’Andersen qui aurait mal tourné. Il était une fois deux frères oubliés par les bonnes fées censées se pencher sur les berceaux des nouveaux-nés et par leur mère partie boire et coucher dans tous les squats de Copenhague, leur léguant tout de même comme héritage familial un irrépressible penchant pour l’alcool et la drogue. Devenus adultes, les deux hommes se perdent de vue histoire de mieux gâcher leur vie chacun de leur côté, jusqu’à ce que leurs chemins se recroisent et que l’aîné, Nick (Jakob Cedergren) constate à quel point son petit frère, devenu père (Peter Plaugborg), s’en sort encore plus mal que lui : Submarino ("sous-marin") tire son titre d’une technique de torture par noyade.

"J’ai su que je voulais faire ce film à l’instant où Thomas m’en a touché un mot", nous confie Jakob Cedergren, dont le charisme brutal – à l’opposé du charme tranquille qu’il dégage au naturel – crève l’écran. "Il m’a appelé alors que j’étais en vacances, pour me parler d’un roman de Jonas T. Bengtsson qu’il venait de lire et voulait adapter. J’ai senti que ce projet lui inspirait une énergie nouvelle."

Depuis le brillant Festen (1998), le talent de Vinterberg s’était effectivement fait plus discret. Allégé des contraintes du Dogme95* mais guidé par l’énergie dévastatrice de ses débuts, on le retrouve en terrain connu : la chronique familiale impitoyable, qu’il déplace simplement des beaux quartiers aux bas-fonds de Copenhague. Bien sûr, on reconnaît la grammaire cinématographique sobre et réaliste initiée avec Lars Von Trier il y a quinze ans – caméra portée, cadrages minimalistes, montage transparent… –, mais Vinterberg l’applique avec davantage de souplesse et d’assurance.

"Thomas a ces deux qualités indispensables pour être vraiment talentueux : le sens de l’humour et la musicalité, résume Cedergren. Et le fait qu’il se soit essayé à autant de choses différentes prouve son courage et sa curiosité. Tu as déjà eu cette impression très rare de connaître une chanson alors que tu l’entends pour la première fois ? Chacun de ses films me fait cet effet-là."

Le film s’ouvre et se referme sur l’enfance des deux frères, dans une lumière crue. Entre ces deux moments-clés, le noir complet, ou presque. Nick et son frère poursuivent sans beaucoup d’illusion une seconde chance qui leur est interdite : impitoyable dans sa mise en scène du déterminisme social, Vinterberg n’autorise pas la rédemption. Tout juste offre-t-il à ses personnages la perspective d’un apaisement salvateur. Mais cette (infime) lueur d’espoir suffit à faire la différence : un autre que lui aurait fait de Submarino un mélo bouffi de pathos. C’est tout l’inverse : une tragédie désarmante et brillante, tout en clair-obscur, qui laisse le spectateur K.-O.

* Mouvement proréaliste initié en 1995 par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg en réaction au formatage des superproductions anglo-saxonnes.

Titre original : Submarino

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Durée : 110 mn


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