Star Trek

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Pilote de luxe pour une nouvelle saga Star Trek, le film de J. J. Abrams se révèle être une excellente surprise, arrivant à concilier les codes de l´univers crée par Gene Rodenberry en 1966 aux obsessions de l´équipe de Bad Robot, le studio à l’origine de Lost. La facture télévisuelle de l´ensemble et le côté aseptisé du métrage gâchent à peine le plaisir enfantin pris à suivre ces aventures spatiales nouvelle génération.

En France, la saga Star Trek est loin d’avoir laissé une trace impérissable. Mis à part quelques Trekies égarés capables de citer n’importe quelle aventure des six séries, elle se résume pour la plupart à un vague souvenir de dimanche après-midi sur la cinq de Berlusconi, quand quelques hommes et femmes en pyjama rouge et orange exploraient une galaxie kitsch dans un vaisseau aux couleurs flashy et clignotantes. A la rigueur, le cinéphile garde un souvenir douloureux d’une adaptation de Robert Wise, vaguement inspiré du 2001 de Kubrick, alors que le cinéphage regrette encore d’avoir vu les neuf autres longs métrages de la série. Ce que l’on a tendance à cataloguer comme une variation un peu cheap sur Star Wars est pourtant un des phénomènes les plus populaires de la culture américaine du XXème siècle, rassemblant des millions de fidèles autour de l’USS Enterprise et de son charismatique équipage, dont Spock, le Vulcain aux oreilles pointues, est devenu le symbole le plus représentatif de la culture « Geek ».

S’il n’est pas évident de comprendre les raisons d’un tel engouement, on peut avancer que la vision optimiste d’un futur pacifié, où les valeurs américaines idéalisées sont propagées dans toute la galaxie par une équipe internationale, avait de quoi de quoi fasciner aux Etats-Unis en pleine guerre froide. Le succès constant de la série est une preuve de la capacité d’adaptation de ses thématiques à l’évolution du monde, même si les films, les années passant, ont de plus en plus tendance à se reposer sur les acquis d’un public conquis d’avance. Quand Bad Robot, le studio de J. J. Abrams responsable d’Alias ou Cloverfield, s’attaque à la franchise, on espère alors un renouvellement total des bases de l’univers crée par Gene Rodenberry en 1966.

Remise à zéro respectueuse de son matériel de base, Star Trek arrive à enthousiasmer par son dynamisme et le plaisir communicatif que l’équipe d’Abrams prend à filmer ces personnages et ce monde. Le caractère « télévisuel » de la mise en scène, qui reprend tels quels les tics de Lost avec sa caméra tourbillonnant autour des personnages, n’empêche pas le spectaculaire : une scène de monstres sur une planète de glace – qui a dit Hoth ? – digne du King Kong de Peter Jackson ou quelques poursuites spatiales qui ne sont pas sans rappeler celles de Lucas remplissent le cahier des charges du Blockbuster. Action, émotion, humour, en un mot : peut-être pas de réelle émotion, mais des sensations à coup sûr.

     

Les lieux communs et clichés dont est tissée l’intrigue sont de même contrebalancés par le souffle que mettent les auteurs à nous les raconter, et leur volonté de nous présenter cette mythologie qui semble si évidement les passionner. La manière dont ils jouent et déjouent les attentes du spectateur a quelque chose de vraiment jouissif et communicatif : la première interpellation de Kirk, le caméo de Léonard Nimoy ou l’utilisation de paradoxes temporels – thématique directement issue de Lost – qui permettent de modifier la chronologie classique en sont les exemples les plus frappants. Même si le caractère aseptisé de l’univers saute aux yeux, si la prise de risque est presque nulle et si le métrage n’est clairement qu’une introduction à une franchise à venir, cette joie presque enfantine éprouvée devant le film en amenuise rapidement les défauts.

Le caractère allégorique faisant l’intérêt de tout film de Science-fiction est aussi bien présent, quand Abrams insiste sur le caractère militaire de son film, au point où on peut presque le lire comme un « film d’armée ». Car que raconte le film sinon la rencontre entre une tête brûlée apprenant les responsabilités en acceptant la mort de son père, héroïque soldat, et d’un métis camouflant sa difficulté à accepter ses origines sous une froideur appelée à – partiellement – fondre au contact de l’esprit de camaraderie qu’il trouvera au sein de la troupe, véritable petite famille se constituant dans des circonstances extrêmes ? Soit une composante essentielle de tous films de guerre depuis les années 30. Et impossible non plus de ne pas penser aux préoccupations terroristes actuelles, quand on constate que ces deux héros américains s’allient contre un ennemi étranger (et ce doublement car ce Romulien – peuple ne faisant pas parti de la Fédération – vient du futur) avide de venger la destruction de sa planète, dommage collatéral d’une erreur d’un représentant éminent de la Fédération.

Plus qu’une chose à souhaiter à cette nouvelle saga, dont ce premier film, riche et passionné, est de loin le meilleur produit jusqu’à présent : longue vie et prospérité !

Titre original : Star Trek

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Durée : 128 mn


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