Depuis l’époque où il officiait en tant que critique à la défunte revue Starfix, le réalisateur n’a plus rien à prouver de sa passion pour le cinéma de genre. Qu’on l’apprécie ou non, force est de constater l’hommage qu’il rendait à la Série B, sous-culture (encore trop) souvent dénigrée, avec les films Crying Freeman et le Pacte des Loups. Action inspirée d’un manga d’une part, film de cape et d’épée remettant au goût du jour un vieux fait-divers français d’autre part. Cinéma d’horreur également, avec son premier film, un segment du collectif Necronomicon, adapté de Lovecraft. Gans est un nerd. Un cinéphage. Insatiable et compulsif bouffeur de pellicule. Un passionné donc. Et un amateur de jeu vidéo : à l’époque de la sortie de Matrix, on a pu lire ici ou là les parallèles qu’il effectuait entre le film et le « gaming ».

Sur un niveau de lecture strictement cinématographique, la bonne nouvelle est que Gans a corrigé un des défauts proéminents de ses précédents films : la direction d’acteur. Terminée cette désagréable et persistante sensation de voir des comédiens semblant ne pas évoluer dans le même film (le Pacte des loups). Ici, il abandonne le film choral (moins d’acteurs à gérer) et se concentre sur son personnage principal. Gans a toujours aimé les héroïnes. Dans Silent Hill, il déserte presque totalement les personnages masculins, coincés hors de la ville et donc définitivement exclus de l’histoire, sans mouvement d’action, uniquement dans l’attente du retour des femmes. Qui, seules, pénètrent à l’intérieur de la ville fantôme.
Malgré des tics de mise en scène agaçants (ces innombrables plongées à la grue finissent par énerver) Gans a aussi appris à poser sa caméra. Le choix est judicieux, et permet une immersion dans l’atmosphère brumeuse de la ville. Ville recréée par Carol Spier (fidèle chef déco de Cronenberg) et Patrick Tatopoulos (Dark City). Une ville à la matière onirique qui fait dévier le film de monstre attendu vers une mise en scène de l’étrange, plus patiente que flippante.
Les films fantastiques sont la première source d’inspiration de Silent Hill. Perclus de références, Christophe Gans retourne sur les traces de ses maîtres et leur rend hommage. A commencer par John Carpenter, à qui il emprunte ses travellings. Passée la scène d’ouverture, le voyage qui mène à Silent Hill n’est pas sans rappeler celui vers Hobb’s End de L’Antre de la Folie. Ailleurs, une scène de bûcher aux sorcières rappelle le culte Wicker Man. Ici, c’est un flashback où plane l’ombre de la Hammer, une caméra toupie autour d’un personnage empruntée à De Palma, un final (certes anecdotique) en pirouette japonaise. Par moment viscéral façon Dario Argento ou expressionniste influencé par Mario Bava.
