Predators

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A l’occasion de la sortie du film de Shane Black (2018), retour sur le reboot de 2010, qui cherchait à faire retrouver son lustre à une franchise attachante mais malmenée, via un retour aux sources et aux fondamentaux de la mythologie « Predator ».

Quand on est sniper, commando, mercenaire, yakuza ou maniaque homicide et qu’on se réveille en pleine chute libre, largué avec armes et bagages dans une jungle inconnue avec d’autres types au moins aussi dangereux que vous, nul doute que la journée s’annonce chargée. S’il s’avère en plus que tous ces affreux sont votre seul rempart contre les comtes Zaroff extraterrestres qui vous ont amené là dans l’optique de vous chasser et prendre votre crâne pour trophée, et que la jungle qui leur sert de réserve est située sur une planète inconnue et hostile, on devine que ce sera carrément la tasse.

D’emblée, le projet Predators (dont le premier jet écrit par Rodriguez au début des 90’s devait suivre rapidement Predator 2) se frotte à pas mal de problèmes. La mythologie, mise en place presque parfaitement dès le premier film de la série, s’accommode mal des ajouts trop divergents, les ratages Alien versus Predator sont là pour le prouver : le concept de base des deux films (et dans une certaine mesure des jeux qui avaient précédé) était d’emblée en contradiction avec l’original, où les prédateurs chassent la proie de choix qu’est l’être humain. Dans AVP, l’homme est au mieux un larbin, au pire un emballage pour une autre race de gibier d’élevage. Adieu le « pour lui, vous êtes le lion » de Predator 2… La preuve que procéder à des ajouts aptes à relancer l’intérêt sans dénaturer la pureté de B movie de la mythologie Predator est un exercice de funambule. En termes de mise en scène ensuite, il est extrêmement ingrat de passer après McTiernan. Sa réalisation virtuose, constamment en rapport avec la conscience qu’ont les personnages de leur environnement, personnifiant cet environnement sans jamais paraphraser l’action, fait encore école aujourd’hui (le découpage de l’attaque du camp !). Predator 2 était à ce titre un vrai petit miracle, qui tirait l’ensemble vers le comic book hardcore décomplexé (le gang des jamaïcains), intention relayée par une mise en scène qui iconisait à fond les personnages et une direction artistique maline mêlant univers futuriste déglingué et imagerie discrètement 50’s, le tout en approfondissant les pistes du premier film (sur la civilisation des extraterrestres chasseurs surtout).

Etrangement, mais logiquement, c’est dans ses tentatives de se refaire une virginité que Predators (aussi dénommé « Predator 3 » pour définitivement évacuer les AVP) perd des points. Ainsi la structure narrative marque trop l’original à la culotte, reprenant parfois à l’identique le montage séquentiel (déboisement à la Gatling, plongeon dans la rivière, combat final bestial – la preuve, il est torse nu –, camouflage thermique à base d’argile humide), quand la caractérisation ne donne pas dans le badass excessif et un peu brouillon. La plupart du temps, les personnages sont résumés par une ou deux répliques, pas plus, constituant l’alpha et l’omega de leur personnalité, ce qui les ravale souvent au simple rang de cast de trognes (Danny Trejo ou Oleg Taktarov sont ainsi assez inutiles, ce qui est bien dommage car cela fait toujours plaisir de les voir). Mauvais calcul puisqu’espérer égaler ou dépasser le capital sympathie/attitude des hommes de Dutch relevait de toute façon de la vue de l’esprit (par exemple, Sonny Landham, interprète de Billy dans l’original, était tenu par contrat d’avoir un garde du corps sur le plateau – pour protéger les autres !). Ce traitement n’est profitable qu’au tueur à gage yakuza, qui garde son mystère jusqu’à sa mise en relation avec les codes des predateurs lors d’un très beau combat à l’arme blanche, qui remet la notion d’honneur chère aux aliens à dreadlocks au centre des préoccupations. Et ce n’est pas le personnage de Topher « mon twist est éventé depuis que j’ai sorti mon scalpel » Grace qui à ce niveau va tirer les marrons du feu, même si paradoxalement sa proximité philosophique avec les bourreaux ne manque pas de sel. Quant aux autres, et bien justement, c’est « les autres » et on s’en moque comme d’une guigne.

Sans grande surprise, seul le duo Isabelle/Royce se sort de ce marigot, ce qui avouons-le est gênant pour un film de groupe. A ce propos d’ailleurs, Brody est à l’avenant du reste des éléments du films : crédible dans son rôle de dur précisément quand on n’essaie pas de le rendre crédible dans son rôle de dur, à grands coups d’abdos taillés en salle de sport et de mixage vocal qui pousse les basses avec enthousiasme (par moments on croirait une imitation de Christian Bale en Batman). Bref, à la caractérisation concise et étanche de l’original (voir la séquence de l’hélico), ce Predators substitue une mise en place des personnages à la serpette, bourrée de trous béants assez embarrassants (i.e. une petite sniper du MOSSAD qui connait l’histoire de 1987 alors que le super-barbouze ex-CIA, par ailleurs tellement au courant de tout que ça confine à la télépathie, n’en savait lui que dalle…) et d’évolutions mécaniques, pas toujours logiques et souvent lourdaudes. Si le survivant Noland (Larry Fishburne qui continue d’enfler) est assez réjouissant dans son pêtage de câble permanent, ses répliques du 1 sorties telles quelles sans justification réelle, et surtout les trois mesures fredonnées de la Chevauchée des Walkyries empêchent quand même de prendre tout ça avec autant au sérieux qu’on le voudrait au départ…

Tout ceci est d’autant plus dommage que Antal sait emballer une série B avec classe et efficacité, Motel l’avait prouvé. Si leurs rapports sont par ailleurs confus, les deux ethnies de predators ont pour le moins de la gueule et ne sont pas là pour faire dans le social, comme une bonne partie de ce qui concerne la planète et ses prisonniers. Mais voilà, certains éléments, comme les nouvelles armes des predators ou l’autre race d’extraterrestres-proies, ou encore les stratégies de traque (qui démarquent des stratégies guerrières éprouvées), sont tout simplement effleurés en laissant le désagréable sentiment que la production se garde quelques cartouches sous le coude pour d’éventuelles suites, selon ce principe pénible du film envisagé comme pilote de série, qu’on retrouve trop souvent depuis quelques années (poser l’univers, un ou deux protagonistes, trois-quatre éléments intrigants, finir sur un cliffhanger, passer à la caisse). Lorsque la production laisse à ces idées neuves un peu de place pour s’ébattre à leur aise, le tout se suit en revanche avec un vrai plaisir : le début en chute libre, les chiens, toutes les apparitions des predators…

Les options sur lesquelles la communication s’est le plus répandue sont respectées avec bonheur, de l’utilisation extensive de décors en dur et d’effets physiques à la classification R pleinement assumée, et le moins qu’on puisse dire est qu’il est agréable de retrouver de vrais prédateurs plutôt que l’espèce de Lassie chien fidèle d’AVP (on parle tout de même de bestiaux de deux mètres vingt qui étripent des gens pour leur arracher la colonne vertébrale). La demi-mesure est en tous cas oubliée ici et c’est heureux. Les personnages s’expriment certes par one-liners, mais le spectacle est dynamique et présente un rythme sans grands ralentissements, avec une belle photo et une direction artistique excessive et cohérente. On regrettera bien entendu le script trop je-m’en-foutiste pour être bien honnête, mais l’ensemble reste très amusant et chasse un peu du sale goût laissé par les précédents films. La déception que l’on ressent toutefois est à la mesure de l’attente et des espoirs placés dans ce reboot, à la faveur d’une promo qui voulait nous faire croire que « mieux que les derniers » pouvait s’entendre « aussi bien que les premiers »… Une idée toute bête, comme ça : pourquoi ne pas approcher à nouveau McTiernan pour le suivant, en ayant un script qui dépasse le second jet ? Mmmmh ?

Titre original : Predators

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Durée : 107 mn


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