OSS 117 – Rio ne répond plus

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De la classe, du style et un brin de mauvais esprit, oui c´est bien le retour d´Hubert Bonnisseur de la Bath dans un second volet aussi inspiré qu´inventif. Hommage aux grandes comédies d´aventure des sixties, cet OSS 117 là n´en est pas moins une des meilleures comédies depuis…OSS 117 ! Bref, si Rio ne répond plus, nous par contre répondons bien présent !

Véritable petit phénomène à sa sortie en 2006, OSS 117- Le Caire nid d’espions avait réussi la prouesse de réconcilier le grand public avec la critique la plus pointue. Le film de Michel Hazanavicius osait la comédie française comme spectacle cinématographique total et décomplexé. Alchimie à haut risque entre parodie et gags outranciers, l’équation OSS avait fait des ravages. On espérait secrètement qu’à la suite de ce succès et du travail de James Huth (Brice de Nice bien sûr, mais surtout les étonnants Serial lover – 1998 et Hellphone – 2007), une nouvelle impulsion formelle serait donnée à une comédie française morne et cloisonnée. La bonne nouvelle, c’est que les écrans français accueillent aujourd’hui une œuvre encore plus folle, encore plus improbable et donc forcément encore plus drôle. Le petit bémol, s’il est en un, c’est que nous devons ce renouveau comique à l’auteur même du premier épisode. Il faudraitt donc croire que seul Michel Hazanavicius aurait les clés de nos zygomatiques. Mais réjouissons- nous plutôt de ce nouvel OSS, grand cru 2009 de l’humour français.

Le pari osé du tandem Halin-Hazanavicius est de ne pas avoir rejoué sur les bases mêmes de leur succès, preuve encore une fois de l’intelligence rare de l’entreprise au sein d’une industrie qui décalque les films jusqu’à l’écœurement. Au centre de ce nouvel épisode donc, toujours ce cher Hubert, agent secret français au charme gominé et à la poche revolver pleine de répliques cultes. Mais du glamour suranné des 50’s, nous sommes passés au Swinging 60’s, période d’émancipation et de liberté , ce qui va forcément créer des étincelles comiques avec un OSS immuable. Du bond en avant impossible de ce personnage, les auteurs vont tirer le meilleur. OSS, comme figé dans le précédent épisode, se voit soudain étranger à son propre monde. L’enjeu comique du film n’est alors plus le même. Le premier épisode s’épanouissait dans la parodie amusée des genres. En transformant l’agent secret héroïque en un crétin terre à terre, pétri d’idées préconçues, le délire parodique prenait toute son ampleur. Le film d’espionnage Hitchcoco-Langien devenait un réservoir à idées formelles toutes plus déviées les unes que les autres par l’absurde. Ici, Rio ne répond plus démarre sur la même lancée mais modifie bien vite sa course pour un film profondément plus burlesque. La confrontation entre OSS et ce monde changeant renvoie à l’essence même du burlesque : l’impossible coexistence d’un corps et d’un espace-décor. Jean Dujardin prouve encore une fois ici son incroyable talent d’acteur. Toujours entre deux poses, il donne à ses moindres gestes une classe absurde, une gaucherie hilarante, jusque même dans ses silences. Le reste des comédiens, de Louise Monot à Pierre Bellemare, sont au diapason de ce serial pop et décalé. Le film pourrait presque se passer de mots tant la stylisation des effets et des corps possède un grand pouvoir comique. Preuve encore une fois de l’essence burlesque du film.

     

Mais il serait bien dommage de se passer du texte écrit par Jean François Halin, auteur connu issu de l’écurie Canal Plus. Frappant directement là où ça fait mal, le pastiche de scénario amène son personnage vers des situations tantôt absurdes tantôt conflictuelles, toujours à même d’exciter la « grande » ouverture d’esprit de son héros. Car OSS ne comprend pas ce nouveau monde et doit bien malgré lui y trouver sa place. De sa rencontre étonnée avec une agent du Mossad à sa découverte corporelle des hippies, le trajet d’OSS dans ce Rio de « carte postale » est un condensé de la nouvelle société. Amusant combat entre l’ancien et le nouveau, le réac et le libertaire, le film ne choisit pas véritablement son camps. Certes OSS est stupide, dit des horreurs mais le capital sympathie de Jean Dujardin est ici gagnant. Plus encore que dans le premier épisode, la bêtise du personnage emporte tout sur son passage. Mais le bouleversement initial rend le personnage moins péremptoire, beaucoup plus humain car totalement dépassé. Il se distille au milieu des nombreux éclats de rire une sourde mélancolie qui parachève l’acteur burlesque. Cet OSS 117 a la tristesse de l’inspecteur Clouseau, le sourire gêné d’Hrundi V. Bakshi. Plus riche en actions et plus foisonnant jusqu’au trop-plein, ce Rio ne répond plus fait indéniablement penser au travail de Peter Sellers avec Blake Edwards. Dessinant des personnages proches du cartoon, Edwards avait trouvé en Sellers le surplus d’humanité qui rend le personnage burlesque si attachant. L’aspect composite des films de Edwards, croisant sans cesse intrigue policière et gags burlesques (La Panthère Rose, Darling Lili) ainsi que son travail de stylisation parodique (The Great Race) trouvent un bel héritier en cet OSS 117 là.

Mais la sophistication ironique du film en fait une œuvre profondément contemporaine. Sa forme, avec prolifération de split-screen, rhétorique pop et montages alternés, rend hommage aux comédies d’aventure des années soixante. Le film singe l’époque qu’il décrit avec une acuité cinéphilique jubilatoire. Ce n’est plus l’ombre de Sean Connery qui colle aux corps d’OSS mais plutôt celle de Dean Martin ou d’un Cary Grant vieillissant. Car évidemment, le fantôme d’Hitchcock est encore bien présent. Le travail de citation est ici exemplaire, car jamais ostentatoire ni prétentieux. Il flotte simplement comme un parfum de déjà-vu sur ce final vertigineux en haut du célèbre Corcovado. L’autre grande et belle influence du film, c’est le tandem Belmondo – De Broca. On sait toute l’admiration que porte Jean Dujardin envers l’acteur. Il en est ici le digne successeur, s’offrant même le luxe de rejouer le travelling de la piscine du Magnifique avec un sérieux déconcertant. Et l’on voit bien comment OSS 117 se démarque de l’aspect parodique du film de Broca pour préférer le burlesque aventureux de L’Homme de Rio. Refusant la sacralité de l’hommage, le film se promène au gré des formes et des idées, poussant même l’outrage comique jusque dans ses retranchements les plus énormes. Il faut une sacrée confiance dans l’intelligence comique du spectateur pour oser faire dire à un général Nazi la célèbre tirade du Marchand de Venise de Shakespeare. Surtout lorsque l’on sait que c’est cette même tirade qui permet aux personnages juifs de To be or not to be d’échapper à la milice hitlérienne. Cette célébration comique inversée n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’irrévérence extraordinaire de cette comédie. Avec ce personnage antisémite, xénophobe, machiste et bien d’autres choses encore, le tandem d’auteurs ne se donne pour limite que celle qui sanctionne la stupidité par le rire. Sans même vouloir se jouer du politiquement incorrect, le film assume juste une liberté de ton, de style et d’effet qui redonne un vrai sens à la comédie. Amusant, comme un film dont l’action se déroule dans les années soixante se révèle le plus bel exemple contemporain d’une liberté totale de parole, jusqu’à l’excès comique. A croire que les meilleurs services rendus par OSS à sa tant aimée patrie française sont bien ceux conduisant à nous faire rire à nouveau sur grand écran. En espérant qu’ils ne restent pas secrets !

     

Titre original : OSS 117 : Rio ne répond plus

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Durée : 100 mn


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