Moi, moche et méchant

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Qui a peur du grand méchant Gru ? C´est pas nous, c´est pas nous… Dommage !

On misait beaucoup sur Gru : il est méchant, pas beau, il n’aime pas les enfants. Enfin un héros digne de ce nom ! Enfin la mort du manichéisme ! L’histoire est simple : Gru, blessé dans son orgueil de vilain, a trouvé son maître. Pire que lui : Vector, un affreux geek seventies capable de voler une pyramide. Puisque c’est ça : Gru décide de voler la Lune. Mais trois morveuses vont débouler dans sa vie, et Gru n’a pas l’instinct paternel…

Gru, avec sa silhouette gris noir expressionniste et sa splendide maison gothique avait tous les atouts pour incarner un magnifique abominable. Il possède même une collection d’armes anciennes et d’obus à faire pâlir d’envie Charlton Heston. Malheureusement, son accent russe et son faciès rendent Gru franchement insignifiant : il manque totalement de charisme. Certes, il doit être moche : cela n’empêche pas de travailler une allure, des attitudes, les traits du visage, ou les contrastes. Admettons que le modèle lorgne davantage du côté de Mr Bean, ses gestes n’en sont pas à la hauteur burlesque : la faute à une mise en scène trop fade ? Probablement, aussi, au peu d’énergie consacrée au peaufinage des personnages.

Difficile toutefois de penser à la qualité de son scénario, des détails et des enchaînements, quand on calcule tous les rebondissements essentiellement pour l’effet 3D : la scène d’ouverture est avant tout prétexte pour voir une pyramide désenfler comme une baudruche. Idem pour la séquence du supermarché, destinée à mesurer la profondeur des rayonnages. Sinon ? Le nez du bolide de Gru est sacrément pointu, on reçoit du jus de pomme dans la figure, des montagnes russes comme si on y était, des courses poursuites haletantes dans le ciel, du lancer de calmar… et alors ? On en a vu d’autres, et on reste spectateur de toutes ces démonstrations, assez ennuyeuses au final. L’intrigue, très légère, en pâtit considérablement.
 

Les blagues à double lecture ne sauvent pas le film de notre indifférence. On peut même se sentir lassé de voir se répéter d’un dessin animé à l’autre les mêmes recettes, plus ou moins foireuses. Pour les enfants : la foule des petits assistants jaunes de Gru, rappelant les fascinantes sectes martiennes de Toy Story. Ces « minions » aux voix gonflées d’hélium se boxent, se photocopient les fesses, pètent et rotent. Super. On mise clairement sur la finesse du jeune public. Pour les adultes régressifs : mémé fait du karaté, un sapin vert désodorisant accroché au rétroviseur d’un vaisseau, et cerise sur le gâteau, la Banque du Mal, surnommée « ex Lehman Brothers ». Une irrévérence incroyable… d’une démagogie parfaitement hypocrite de la part d’une machine à sous comme Universal. On couronne le tout à la mode Dreamworks, avec une chanson clin d’œil de derrière les fagots : si Madagascar déterrait l’horrible « I like to move it », pour les nostalgiques indécrottables de Corona (pas la bière, la chanteuse…), Moi, moche et méchant, de meilleur goût, préfère les Bee Gees, « You should be dancing ». Yeah ! Autocongratulation : on s’applaudit en tapant des mains. Heureusement Pharrel Williams, sous perfusion de Bisounours, s’occupe du reste de la BO, avec sa classe funk habituelle.

On compte trop peu d’échanges vraiment bien sentis : le premier contact de Gru avec les trois sœurs (« Ne bougez pas, je reviens dans onze heures»), quelques dialogues cassants avec la petite Margo (« Ne touchez à rien ! » – « Même pas au sol ? »). La conception des petites filles reste elle-même très conventionnelle. On a la rêveuse, la bagarreuse, et l’intello à lunettes. Trois rebus de la société, en somme, et orphelines, justement… C’est un bon point, mais encore pas assez creusé. Ces trois gamines ne sont pas tant convenues dans leur caractérisation que dans leur traitement visuel : trois bouilles, rondes, trois petits nez, six grands yeux ronds comme des billes. On attend mieux de l’animation en images de synthèse : des humanoïdes plus vivants, par exemple. Pixar a bien réussi à nous faire craquer pour un robot. Encore faut-il se donner la peine de ne pas confondre animation et démo technique.

Titre original : Despicable Me

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Durée : 95 mn


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