Magic Mike

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Succès surprise de l´été aux États-Unis, les paillettes et l´effeuillage de « Magic Mike » sont quand même bien ternes.

Depuis qu’il a annoncé vouloir quitter l’industrie du cinéma, l’américain Steven Soderbergh enchaîne les productions, pas moins de trois films en deux ans et deux autres en préparation, comme mû par une fièvre de travail avant le rideau final. Ces trois derniers, Contagion, Piégée, et Magic Mike, sont à l’initiative de producteurs, scénaristes ou acteurs, Soderbergh devenant l’exécutant confirmé et efficace qu’on a pu lui reprocher d’être. À ce titre, l’automatisme de Contagion, film de système où la maladie agit comme un personnage impassible, et la relative froideur de son thriller de revanche féminine sont les indices de sa mise en mode automatique.

Initié par Channing Tatum, lui-même danseur et stripteaser avant de réussir à Hollywood, un projet de film sur le milieu de la danse masculine destinée aux filles nécessitait un peu d’enthousiasme et de chaleur pour être mené à bien.
Tampa, jolie et chaude ville des États-Unis, où le club créé par Dallas (Matthew McConaughey, décidemment en retour de flamme) fait tous les soirs le plein de jeunes filles hystériques venues s’acoquiner et toucher du mâle. Mike (Channing Tatum) est danseur vedette la nuit, couvreur de toits (!) le jour. Sa rencontre avec un jeune gars un peu perdu, permet par le biais du parcours initiatique de prendre le spectateur par la main pour une balade chez les chippendales.

Soderbergh filme sans relâche les représentations ultra-chorégraphiées où Channing Tatum et ses collègues se démènent à frotter leurs corps le plus lubriquement possible sur des femelles hurlantes. La virilité masculine exulte : corps huilés, string serrés, mises en scène rodées à chaque numéro, tour à tour les stéréotypes de la masculinité sont réinterprétés façon coquine, du policier à Tarzan jusqu’à l’inévitable cow-boy. Exit la sensualité, le trouble, ici la séduction est mécanique, orchestrée. L’unique scène d’effeuillage réussie est celle où le jeune apprenti se retrouve propulsé sur scène sans ménagement ni préparation. Paradoxalement, sa maladresse et la frontalité de l’exercice de mise en nu dégagent une impression de vulnérabilité, le sexe fort est soudain désemparé.
Intéressant également de voir que seul un accro entre Mike et une de ses conquêtes induit un mépris féminin pour le métier, jusque-là unanimement célébré comme entreprise triomphante. Aux dires du gérant du club, le job consiste à être ni plus ni moins qu’un mari éphémère par la suggestion d’un coup de rein (sic).

 


 
 
Car la simulation du sexe est joyeuse, les filles roulent des yeux admiratifs sur les promesses sexuelles des danses électriques des garçons. On pense à Exotica (1994) d’Atom Egoyan ou encore au méconnu Dancing at the Blue Iguana (2003) de Michael Radford, où la chair féminine est triste, les danseuses ailleurs, films passionnants qui travaillent le statut du corps dansant comme vecteur émotionnel.
La célébration quasi unanime du film ne poserait pas de problème en soi si elle n’était pas complètement illusoire. Quand les hommes dansent pour des femmes, ils sourient, comme charmés par leur propre pouvoir de séduction. Aucune trace de glauque, de ridicule et surtout jamais le cinéaste ne se risquerait à filmer les danseurs autrement qu’en contre-plongée. La masculinité sera triomphante ou ne sera pas. Quid de l’homme objet, de la nécessité d’entretenir son corps, du vieillissement, ou de la difficulté à nouer une relation sentimentale. Toutes ces interrogations, qui ne sont pas illégitimes, sont presque gommées, comme la chair elle-même qui semble lissée tellement elle brille !

La première heure du film est légère, avance en automatique : le déniaisement du jeune homme relaye notre incursion dans ce milieu a priori easy, des filles, de l’argent et du succès : le rêve d’un homme. Soderbergh s’implique un peu plus dès lors que la machine s’enraye et que son sujet l’intéresse un tant soit peu. Il prend le parti de Mike, stripper de 30 ans qui tente de construire son avenir, travaillant littéralement jour et nuit pour réussir. Opposant le succès facile et temporaire du milieu de la nuit à un labeur typiquement American Dream, Soderbergh se pose finalement plus en moraliste qu’on ne l’aurait cru. Le jeune initié se révèle un loup aux dents longues, indifférent aux liens d’amitié ou à la dette morale qu’il a envers Mike, prenant sa place comme danseur vedette et futur associé. L’immoralisme d’un entreprenariat sans pitié est clairement visé, d’autant que Soderbergh ne se prive pas pour visualiser les pièges auxquels risque de succomber le jeune Kid. Filtres de couleurs, montage bling et actrice très Sacha Grey, le cinéaste nous offre sa vision de la décadence en une séquence : luxure, drogue et bêtise. Le reste du film coule, sans grand intérêt, vers une romance salvatrice qui fera de l’ancien gogo un homme bien, loin des paillettes et de la frime d’une Amérique jugée bien superficielle.

Il y a là, si on veut bien le voir, la métaphore du parcours de Soderbergh, réalisateur qui s’efface, un peu las d’un cinéma hollywoodien où il n’a semble-t-il jamais vraiment trouvé sa place, jeune star des années 1990 (le plus jeune cinéaste à avoir gagné la Palme d’or) tiraillé entre studios et productions plus personnelles.
 

Titre original : Magic Mike

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Durée : 110 mn


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