Caméra d’Or en 2004 avec Mon Trésor, Keren Yedaya revient nous livrer sa conception réjouissante de la cellule familiale. Après la mère prostituée, voici à présent le père incestueux sélectionné cette fois dans la catégorie Un certain regard de la dernière édition cannoise. Chaque festival ayant besoin de son moment de malaise, c’est Loin de mon père qui s’y est collé l’an passé alors qu’en adaptant Loin de son absence de l’auteure israélienne Shez, Yedaya y voyait avant tout une « nécessité politique et sociale » et non un besoin de choquer. Et pourtant…

Des scènes de violence domestique en boucle ajoutées à une mise en scène frontale, tout se passe comme si la réalisatrice privilégiait la simple monstration à la réflexion. Ou à la dramaturgie, gros mot pourtant inhérent à la fiction, comme celui de « scénario », responsable ici d’une partie du problème. Tami et Moshe nous sont avant tout donnés comme un couple, leur réelle relation n’étant nommée que par la suite ; effet de surprise, truc scénaristique, peu importe en fin de compte puisque le fait est qu’ils sont, à cause du scénario, montrés comme mari et femme avant d’être définis comme père et fille. Ce temps de latence dans la caractérisation des personnages nous fait ensuite osciller entre la normalité et l’anormalité de leur relation, seul le sentiment de gêne entraîné demeure, lui, constant.
Le père n’est pas qu’un monstre, sa fille a l’air d’éprouver des sentiments amoureux pour lui, ces deux personnages ne se réduiraient donc pas à un homme pervers et sa victime. Pour être « loin des clichés » comme elle le dit elle-même, Keren Yedaya semble refuser toute analyse et donc tout jugement, dont elle renvoie alors la responsabilité au spectateur.
