Little Bird

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Un petit garçon, un petit oiseau s’aimaient d’amour tendre. Film délicat sur le passage de l’enfance à l’âge adulte.

Et si tous les films, et toutes les œuvres d’art en général, n’étaient que le prolongement d’un souvenir ou d’un rêve d’enfance ? Qui, enfant, n’a jamais élevé ou voulu apprivoiser un animal sauvage : oiseau, ragondin, renard… même si c’est interdit ? Des adultes même se battent aujourd’hui pour conserver le sanglier adulte qu’ils ont élevé au biberon. Dans Little Bird, Jojo, dix ans, est souvent livré à lui-même. Entre une mère absente et un père qui perd pied, il trouve secrètement un peu de réconfort auprès d’un choucas tombé du nid. C’est de cette modeste histoire, coécrite avec le scénariste Jolein Laarman, que le réalisateur Boudewijn Koole, s’inspirant de ses propres souvenirs, a réalisé ce petit bijou qui ne plaira pas qu’aux enfants. Il se raconte que, lors de sa projection au festival de Berlin, 1400 personnes ont retenu leur souffle au même moment.

Le réalisateur insiste bien volontiers sur le parallèle qu’on pourrait faire entre la force (en apparence seulement) des adultes et la fragilité des enfants, et de ce petit oiseau. Il faut dire que la magie de ce film dont le titre annonce tout, primé dans nombre de festivals et ayant reçu le prestigieux Prix du meilleur premier film de la Berlinale 2012, est étrangement envoûtante. En effet, personne hormis Jojo ne voudrait de cet oiseau noir, disgracieux. Ce choucas au bec acéré, et aux manières peu délicates, va devenir pourtant petit à petit non plus un simple oiseau parmi d’autres, mais un ami, un confident, un substitut de père, de frère, dans ce monde où les adultes démissionnent de plus en plus. Ce petit oiseau, pourtant plus fragile que Jojo, va donc lui donner la force d’affronter la réalité mais aussi, et surtout, lui apporter la part de rêve dont tout enfant a besoin pour grandir, ce que l’on sait même sans avoir lu tout Françoise Dolto.
 
 

 
 
Pourtant, il ne s’agit ni d’un film sur la nature gnangnan, ni sur l’enfance martyre. Non, mais d’un film qui tente de montrer la vie comme elle va, avec ses malheurs, ses petites joies, son quotidien surtout chargé de rêves et d’espoir. Bien sûr, on pensera à Truffaut qui a su si bien peindre les affres de l’enfance, mais aussi à Ken Loach, surtout Kes (1969), et (un peu) à Albert Lamorisse dans ces plans qui montrent tout à la fois la persistance et la fragilité de l’enfance, elle qui court toujours vers sa fin, surtout lorsque la vie oblige sans cesse les enfants à grandir : la bulle d’un chewing-gum, la contemplation du ciel avec sa petite copine, les parties de vélo, les courses à travers champs et les petits riens qui font aussi tout l’ennui qu’on peut ressentir enfant. Si le film est ainsi touchant, c’est qu’il parle à l’universel, et nous évoque aussi notre propre enfance. D’ailleurs, le réalisateur avoue dans le dossier de presse s’être largement inspiré de la sienne : « Une grande partie du film est inspiré de ma propre enfance. L’oiseau, l’attente du retour du père, le garçon, les paysages, l’architecture, la fille, l’arbre, l’autoroute, les sons, les couleurs »

Nous voici donc devant un très beau film qui parlera aux enfants, mais aussi aux adultes qui ne sont souvent que des enfants qui ont grandi. Ce n’est pas un film conte de fées, mais un film profondément réaliste qui tente (et réussit) de montrer le lent et difficile passage entre deux mondes bien séparés : celui des enfants et celui des adultes souvent torturé et compliqué par des ennuis d’ordre psychologique et matériel. L’oiseau, comme dans un poème de Prévert, sert de truchement pour symboliser qu’on peut à la fois transgresser une loi et s’y soumettre quand c’est nécessaire. Jojo, à la différence de son père mais aussi quelque peu de sa mère, qui ont abandonné leurs rêves, veut lui croire à la magie, à la vie. Bien sûr son rêve sera brisé, mais c’est là aussi toute la force de la vie qui, en fait, nous apprend à vivre. L’oiseau, fragile par nature, représente pour lui la force qui va lui permettre de grandir comme dans les rites initiatiques des sociétés anciennes. « L’oiseau est plutôt le symbole du jeu, de la joie, de la loyauté et de l’amour. Autant de valeurs qu’il est impossible d’enfermer en cage. Toutes ces valeurs cruciales sont aussi très vulnérables », déclare le réalisateur. Jojo en fera l’apprentissage tout en l’enseignant aux jeunes spectateurs du film.

Titre original : Kauwboy

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Durée : 82 mn


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