Les Mains libres

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Brigitte Sy raconte ici sa propre histoire, celle d’une rencontre amoureuse en prison. Une réalisation un peu poussive et le manque de rythme sont compensés par la performance superbe de Ronit Elkabetz.

Les Mains libres est une réussite par la grâce de l’interprétation et la beauté de son héroïne, Barbara (Ronit Elkabetz). Pour autant, le film ne tient pas toutes les promesses que son canevas nous avait laissées entrevoir.

Brigitte Sy a entrepris de porter à l’écran son histoire. Pour son premier métrage, la cinéaste n’a donc pas choisi la simplicité car on mesure la charge émotionnelle et les questions de tous ordres qui ont pu l’assaillir tout au long de ce projet. Voici donc qui est tout à son honneur, d’autant plus que le récit, peu banal, se déroule dans un lieu improbable : une prison.

L’histoire : Barbara tourne un film dans une maison d’arrêt. Deux fois par semaine, elle se rend à la Centrale pour élaborer le scénario avec des détenus. Parmi ces derniers, il y a Michel. Une histoire d’amour naît entre ce dernier et la cinéaste.

Brigitte Sy exploite le principe de la mise en abîme, comme dans The Player d’Altman ou La nuit américaine de Truffaut. Mais contrairement à ces glorieuses réalisations, la mise en scène ici est assez frêle. Les futurs acteurs du film répètent un texte enregistré par une caméra mais l’émotion ne passe pas vraiment ;

Le film se concentre sur la parole, celle de ceux qui n’en ont plus, les détenus coupés du monde et privés de lien social. Le projet de l’heroine consiste à travers de petits scénarios sur la vie de chacun, à ce que les acteurs qu’elle a choisis verbalisent enquelque sorte leur angoisse, leur peur, en évoquant le passé, pour ensuite construire le scénario. Une thérapie cinématographique en somme. Là aussi le bât blesse. Les monologues pourtant réels, filmés par Barbara, semblent trop faciles, comme désincarnés. Si son projet est éminemment louable puisque le film sera l’occasion d’une (re)prise de parole ô combien utile pour les taulards dont l’identité est souvent ruinée, le flux des soliloques est souvent basse fréquence comme un texte appris. Point de colère ni de mutisme. Les mots sonnent creux parfois. D’ailleurs ne valait-il pas mieux choisir de véritables prisonniers dans le rôle des détenus afin d’atteindre une certaine vérité ? Barbara en début de tournage formule un vœu : « aucune fiction ne résistera à la réalité ». Or le résultat des exercices procure le sentiment inverse, celui d’une réalité qui a bien résisté à la diction « théâtrale » des acteurs

Nous nous attendions à voir l’amour éclore dans un milieu hostile et à assister à la naissance du désir au sein d’une atmosphère brutale et angoissante. Or Brigitte Sy ne film pas vraiment l’univers carcéral tel qu’il est. Les couloirs sont aseptisés, l’ambiance impersonnelle. Pour la réalisatrice, c’est un parti pris qu’elle assume en expliquant que « le temps carcéral est un temps immobile » et qu’en somme les représentations convenues de la prison ne pourront jamais rendre compte de la perte d’identité des prisonniers. Est-ce une solution de facilité de la part de Brigitte Sy, que de ne pas avoir tenté de recréer la violence, tout ce qui fait de la prison un endroit inhumain, de frousse et d’inquiétude ? Néanmoins, ce décor pacifié qui se concentre exclusivement sur les hommes en répétition, offre des moments d’intimité volés aux amamts platoniques. Ainsi Brigitte Sy réussit à nous émouvoir à certains moments, par exemple lorsque les mains libres de Michel caressent sous une table du parloir, à la dérobée, les chevilles de Barbara.

Demeure une histoire d’amour. Impossible sur le papier mais qui va triompher deux fois. D’abord dans la vie avec la propre histoire de Brigitte Sy, puis à l’écran par le truchement de Barbara et de Michel. Le film entier est dominé par l’omniprésence de Barbara, pasionaria tranquille et déterminée qui ne peut que nous séduire. Elle ira jusqu’au bout, jusqu’à la scène finale, émouvante, réaliste et pas banale.

Titre original : Les Mains libres

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Durée : 90 mn


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