Les Emotifs anonymes

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S´aimer alors que l´on ne peut même pas se toucher, à quoi bon ? Dans « Les Emotifs anonymes », Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré explorent autant l´univers du chocolat que celui des sens, en grands timides que sont leurs personnages. Bonne volonté de la part du réalisateur de parler d´hyperémotivité mais résultat raté.

Une chose est sûre : être émotif, c’est difficile à expliquer, à montrer ou à vivre. Situation gênante, aucun contrôle sur son corps, peurs fulgurantes, le thème du nouveau film de Jean-Pierre Améris s’aventure sur un terrain glissant. Comment mettre en scène le compliqué, l’impossible, la timidité ? Ce n’est pas faute d’essayer. Au cœur d’une usine de chocolaterie, deux grands timides se rencontrent. D’un côté, Jean-René, le nez long, célibataire endurci en pleine thérapie auprès d’un psy dégarni, de l’autre côté, Angélique, douce et fragile, membre d’un groupe de discussion à l’américaine – table ronde et prise de parole individuelle.

Ose et tais-toi

Sous la forme de défis imposés par son thérapeute, Jean-René doit progressivement conquérir sa bien-aimée, malgré les freins que lui impose sa « maladie ». Angélique quant à elle, bonne poire souriante, se laisse aimer pour la première fois. Parti sur la base d’un bon scénario, original et sensible, le réalisateur se laisse aller à des scènes longues, très stéréotypées et moqueuses. Le sujet n’aidant pas, le film prend une connotation comique avec des scènes inspirées des comédies musicales. On voit donc Isabelle Carré en Maria von Trapp, chantant « J’ai confiance en moi », sautillant dans une galerie marchande, tout va bien dans le meilleur des mondes… Puis on découvre Benoît Poelvoorde, regard sombre et joie de vivre éteinte devant ses employés, peu crédible en hyperémotif.

Peu de films finalement évoquent ce thème de l’hyperémotivité, souvent peu pris au sérieux et tourné en ridicule. Or dans le film, on sent une volonté de la part du réalisateur de dénoncer cette gêne quotidienne, mais les acteurs luttent et montrent leurs limites avec des textes parfois trop courts, surjoués, simplets voire même ridicules. On pense à une pièce de théâtre accélérée, à des séquences ajoutées, coupées, dans un désordre monstre qui du coup, perturbe la lecture du film.


Poelvoorde-Carré, on tourne en rond

Dans le rôle compliqué du patron qui tombe amoureux de sa nouvelle employée, Benoît Poelvoorde tente en effet de jouer la carte de l’émotion. Connu pour son humour atypique, il devient dans ce film un personnage banal, triste et lâche. Le couple Carré-Poelvoorde se forme une seconde fois après Entre ses mains d’Anne Fontaine, sauf que cette fois-ci on peine à croire que l’histoire est possible, aucun réalisme ne se dégageant. Du baiser donné avec facilité aux scènes très fleur bleue – je te tiens la main, je te caresse les cheveux – impossible de se mettre à la place des personnages et de comprendre leur douleur en tant qu’hyperémotif.

Sans doute le casting se voulant à la frontière entre candeur et rire a favorisé un couple d’acteurs que tout oppose et qui au final, que tout rassemble. Mais ce duo, peu crédible à l’écran, fonctionne mal autour de ce thème important, maladif, fragile.

On sent bien que le réalisateur, donnant l’impression d’être lui-même émotif et désireux d’exposer ce problème, tend à montrer la souffrance de ces grands timides, paralysés par leurs émotions. Cependant, les deux personnages sont peu significatifs, leurs actions sont dictées par les autres, ce qui donne au film un air plat et ennuyeux. Quelques scènes autour du chocolat – sans doute choisi pour ses bienfaits aphrodisiaques – donnent du mouvement aux scènes, avec notamment l’existence d’un pâtissier perdu dans les montagnes, qui donne un peu de mystère au film. Hormis de légers détails, rien ne bouleverse relativement la vie d’Angélique ou de Jean-René. On en vient même à penser qu’ils vécurent heureux avec beaucoup d’enfants…

Note positive du film, la musique du duo romantique Angus & Julia Stone, qui cadence et ponctue les différentes étapes de la vie des hyperémotifs. A croire que les douces voix du frère et de la sœur australiens finissent par bercer un peu trop…

Titre original : Les Emotifs anonymes

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Durée : 80 mn


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